samedi 18 avril 2015

C.H.A.T.S.


C.H.A.T.S

Conspiration Humaine d'Attaques Terroristes Supposées



Tout le monde connaît une vieille dame qui vit avec ses chats, d’innombrables chats. Il y en avait une qui habitait dans une grande maison au coin de la rue. Pas très difficile de deviner où elle vivait, il suffisait de suivre le chemin de terre conduisant à sa demeure. Chemin qui n'était plus entretenu depuis longtemps, comme la maison elle-même. Le portail en bois grand ouvert donnait sur un jardin auquel le terme terrain vague correspondrait mieux. Les mauvaises herbes s'élevaient jusqu'aux fenêtres. Les volets restaient fermés jour comme nuit, on les entendait bouger quand les gonds rouillés grinçaient sous le souffle du vent. Le soir, une fumée noire s'échappait de la cheminée et à chaque fois, on craignait que ce soit la maison entière qui brûlait. Elle s'appelait Madame Abernathy mais plus personne n'utilisait son vrai nom hormis la factrice peut-être, et vu qu'elle ne recevait pratiquement jamais de courrier cela limitait l'échange. Les rares fois où elle sortait c'était par nécessité, celle de faire ses courses. Elle vivait seule, avec ses chats depuis plus d'une décennie. Ça n'avait pas toujours été ainsi. Elle avait été mariée autrefois mais un jour son mari était parti promener le chien et n'était jamais revenu. Elle pensait que c'était parce qu’elle ne pouvait avoir d'enfants. Des jours entiers à attendre, à se poser des questions en pleurant. Un soir où elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, elle se mit à prier devant sa fenêtre les yeux fermés. Je ne sais pas quel souhait elle avait fait, mais il se passa quelque chose. S’il y a un dieu, il se manifesta ce soir-là. Quand elle rouvrit les yeux une étoile filante traversa le ciel ce qui la fit sourire. En fermant les volets, elle entendit un bruit aigu. Croyant au grincement des charnières des volets, elle fit jouer les battants pour en être certaine. Le silence demeura un instant puis le gémissement reprit. Il provenait des hautes herbes, elle s'approcha et vit que c'était un « mignon petit bébé chat tout noir ». Perdu et affamé, elle le recueillit. Son deuil serait plus facile avec une présence pensa-t-elle. Le temps passa et le nombre de chats vivant dans la maison augmentait un peu plus chaque année. Si bien qu'elle en possédait plus d'une centaine. Les félins avaient pris possession des lieux et refait la décoration à leur goût. Leur territoire s'étendait partout. Ils ne se contentaient pas seulement d'occuper le canapé, ils choisissaient aussi le programme télé. La chaîne info allumée en continu faisait office de fond sonore. Quand la vieille dame voulait changer de chaîne, elle se frottait à un mouvement de colère général de ses occupants. Elle avait deux passions, ses chats – mais ça je vous en ai déjà largement parlé – et l’Égypte ancienne. Sur son buffet en bois brun étaient exposées des dizaines de statuettes à la gloire de ce peuple du Nil. Ainsi elle avait donné à ses chats les noms des dieux tels qu’Osiris, Râ, Seth, Ptath...

Depuis quelques mois, les renseignements
généraux essayaient de démanteler un réseau
terroriste islamique. Selon leurs informateurs, une cellule locale de ce mouvement avait pris refuge dans la région du New Jersey. Le petit village de New Egypt ça ne s'invente pas– où résidait notre vieille dame, était dans le périmètre de recherche. Après des semaines d’investigation minutieuse, les enquêteurs soupçonnèrent la mamie vivant toute seule dans cette grande bâtisse au fin fond d'une impasse. Le lieu rêvé pour se cacher et préparer des opérations terroristes. La première question qui venait renforcer cette hypothèse était : comment avec cette maigre retraite faisait-elle pour vivre seule dans un tel logement ? Bien que sa propriété n'ait rien de luxueux, ni même d'entretenu, elle possédait un vaste terrain que nombre d'agents immobiliers avaient essayé de lui faire vendre.

Un matin, deux inspecteurs vinrent sonner à sa porte. Jones, l'agent à la moustache, spécialiste en criminalité idéologique et son partenaire Dick que l'on reconnaissait à ses lunettes de vue et sa manie d'aspirer toute les deux secondes dans son
inhalateur. Ce dernier était connu pour ses théories complotistes extravagantes qui avaient valu au
binôme d'être la risée de tout le service. Surprise de cette visite, la première depuis bien longtemps, la vieille dame ouvrit la porte aux deux hommes pensant sûrement que c'était le facteur, qui d'autre sinon? A vrai dire, elle n'avait pas pu vérifier dans le judas à cause de sa dégénérescence maculaire qui l'avait pratiquement rendu aveugle. L'agent Jones, lui expliqua la raison de leur venue. Sur le pas de la porte, un chaton tigré roux, vint se frotter aux jambes de l'inspecteur Dick qui se mit à tousser et à agiter la jambe pour éloigner le mignon petit chaton. Elle demanda : « Qu'est-ce qui ne va pas Monsieur l'agent, vous n'aimez pas Tigrou ? » L'homme ne répondit pas, trop occupé à surveiller que l'animal ne revienne pas à la charge. Son
coéquipier expliqua alors qu'il ne fallait pas faire
attention à lui avant d'ajouter qu’'il était
ailurophobiaque. Autrement dit, il avait une peur panique des chats. Il caressa la tête de l'animal pour montrer à la dame qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Étonnée par cette réponse au début, elle eut un geste de recul mais à la vue de leurs insignes officiels, elle se résigna à les faire entrer. Bien sûr, elle aurait pu leur demander de revenir avec une injonction du tribunal ou un quelconque mandat comme il est courant de voir dans les séries télévisées mais elle n'avait rien à se reprocher alors pourquoi faire durer les choses. Elle prit dans ses bras le chaton, et fit à l'intention de Dick : « Les animaux sentent quand on a peur d'eux » en avançant le chat serré sur sa poitrine. Excédé, Dick rétorqua que ce n’était pas une peur mais une réaction allergique. Avant de
pénétrer dans la maison, il enfila un masque sur la partie inférieure de son visage et mit des gants en latex. Pendant que son équipier, Jones, faisait une visite guidée avec la vieille dame, Dick inspectait les lieux méthodiquement. Cherchant à tâtons une porte dérobée vers un passage secret qui mènerait à un repère terroriste, il sortit son détecteur de fréquences et commença à le pointer dans toutes les directions. D'abord vers le bas, soupçonnant une cache en sous-sol avec un équipement électronique conséquent comme il est courant dans les cellules terroristes. Rapidement, les ondes le conduisirent vers le salon où la télévision était restée allumée comme d'habitude. Cependant une chose étrange l'interpella. L'écran de son appareil de mesure indiquait une très basse fréquence qui dominait les autres ondes, entre 8 et 12 hertz. Sceptique, il
éteignit puis ralluma l'outil. L'écran affichait
toujours le même résultat. Il se rappela alors avoir lu quelque chose à propos du rythme cérébral des chats qui était constamment en alpha contrairement aux êtres humains qui eux étaient majoritairement en fréquence bêta. Il interpréta donc le résultat comme étant la mesure de l'activité électrique
cérébrale des chats, qui étaient présents en grand nombre dans la pièce. L'émission de ces ondes
expliquait en partie leur vertu à relaxer l'être humain, associé à l'endorphine qu'ils produisent en ronronnant. Durant quelques minutes, il observa la vingtaine de chats occupant la pièce miauler les uns envers les autres. La chaîne info sur le poste de télévision diffusait un débat politique. Quand les félins remarquèrent qu'ils étaient étudiés par notre agent des renseignements, ils s'arrêtèrent et commencèrent à se disperser. Dick se retourna dans l'intention de les suivre de loin et tomba nez à nez avec l'un d'eux, un énorme Maine coon penché au-dessus de lui, qui cracha pour exprimer son énervement. L'homme trébucha à terre, le chat sauta sur le parquet et avança entre ses jambes. Bientôt d'autres félins se rejoignirent et se mirent tous à faire le gros dos en marchant de travers. Le message était clair, Dick n'était pas le bienvenu ici. En guise de mise en garde l'un d'eux lui griffa la joue en soufflant. Terrifié, il se mit à courir dans la maison à la recherche de son partenaire. Personne au rez-de-chaussée. Il monta instinctivement les escaliers appelant Jones. Les chats l'observaient du bas de l'escalier. Il se mit à ouvrir toutes les portes de l'étage. Des chambres vides qui puaient le renfermé, le vieux et le chat, rien de bien surprenant pour une maison habitée par une dame âgée et ses chats. Il entendit du bruit dans le plafond, pensant que Jones se trouvait là-haut, il monta jusqu'au grenier. Il poussa la porte en bois grinçante. La pièce était sombre, à peine éclairée par une fenêtre œil de bœuf. La salle était remplie d'objets recouverts par de longs draps blancs. Au centre de celle-ci était entreposé quelque chose de plus volumineux que le reste. Ce n'était pas un objet mais plutôt un engin à en juger par sa taille. Animé par sa curiosité, l'inspecteur souleva le drap pour jeter un œil. C'était une machine, difficilement identifiable, même dans le cadre de sa fonction, il n'avait jamais rencontré une telle technologie. Soudain, il entendit un bruit, pensa à une énième représailles des chats il lâcha le tissu et se cacha derrière l'angle que formait la porte en s'ouvrant. Après un instant, il se rendit compte que le bruit venait du jardin. Il regarda par la petite fenêtre ronde et vit dehors, devant le porche Jones remercier la vieille dame d'avoir permis l'inspection de son domicile. Dick, se précipita à la porte mais au moment de franchir son seuil il vit les chats lui barrer la route. Dans son élan, il en heurta quelques-uns. Il dévala les escaliers sans se retourner bien qu’il les sentait à ses trousses.
Arrivé au rez-de-chaussée, un petit comité d'adieu l'attendait devant la porte d'entrée, il s'enferma dans la cuisine plus par réflexe qu'après réflexion. À sa grande surprise, la cuisine était pourvue d'une sortie de service mais quand il voulut l'utiliser, il se rendit compte qu'elle était fermée à clef. Les vieux ont toujours peur des voleurs. Il envisagea une seconde de passer par la chatière avant de réaliser qu'il y avait une fenêtre grande ouverte au-dessus de l'évier. Une fois dehors, il fit le tour du jardin pour rejoindre le portail où son équipier l'attendait, discutant avec l'octogénaire.

Ils quittèrent la propriété, pour regagner la voiture garée sur le chemin de terre. Dick bien que soulagé d'avoir réussi à s'échapper ne pût s'empêcher de jeter un dernier regard inquiet derrière lui. Il vit la vieille dame essayant de fermer son portail et dans les carreaux de la maison une centaine de têtes de chats qui surveillaient leur départ de leurs yeux brillants. Sur la route conduisant aux bureaux, Dick retira son masque et fit part de ses hypothèses à Jones entre deux coups de brosse sur ses vêtements. Comme je le disais plus haut, Dick était la risée de son service mais pas seulement. Son coéquipier, depuis son affectation au binôme, ne prenait plus au sérieux les théories extravagantes de son partenaire. Quand celui-ci lui confia qu'il pensait que les chats étaient une espèce extraterrestre Jones demeura silencieux, sûrement lassé d'une situation qui devenait gênante pour ses états de service.

Quand l'inspecteur Dick avait une idée en tête, il pouvait y consacrer tout son temps, ce qui expliquait en partie qu'il soit encore célibataire la trentaine passée. Ainsi Dick une fois revenu chez lui passa toute la nuit à rédiger son rapport. Au fil de ses recherches, il exposa l'idée selon laquelle un complot de taille planétaire se tramait. Pour appuyer sa thèse, il disposait de dossiers qui attestaient de la mort récente d'un brillant ingénieur en informatique retrouvé pendu. Peu de temps avant sa mort, l'homme en question avait contacté l'agence de renseignements concernant une invasion extraterrestre sans toutefois être pris au sérieux. L’enquêteur chargé de l'affaire avait conclu à un suicide en dépit du fait que le rapport d'autopsie avait révélé une occlusion intestinale causée par ce qui semblait être une boule de poils félins. L'argumentaire de Dick venait se compléter par des anecdotes sur l’Égypte ancienne, où les chats avaient une place importante dans le culte religieux. Osiris, le dieu des dieux, se déguisait en chat pour se mêler aux mortels. La déesse Bastet était représentée avec une tête de chat mais fut aussi à l'origine peinte en lion belliqueux tout comme la divinité guerrière Sekhmet. Le sphinx, mi-homme mi- félin, symbole de la puissance souveraine, était appelé « père de la terreur » par les arabes. Les édifices de l’époque, notamment les pyramides au vu des moyens de construction donnés laissaient beaucoup de scientifiques et historiens perplexes. Ensuite, Dick remonta la chronologie jusqu'au Moyen-âge où une croyance populaire racontait que les chats étaient des créatures malfaisantes envoyées par Satan pour peupler la terre. Une légende japonaise quant à elle, disait que les chats à longue queue étaient capables de prendre une apparence humaine et qu’ils avaient une influence négative sur les hommes. Ne se contentant pas que du folklore pour étayer son raisonnement, il faisait état des aptitudes reconnues par la science. Comme par exemple le fait qu'en se frottant aux meubles, les chats déposent des phéromones, ce qui permet de mieux contrôler les humeurs de leur maître, ou de les droguer en quelque sorte. Il mentionnait ensuite, leurs grands yeux ovales, rappelant ceux qu'évoquaient les témoins lors de rencontres du troisième type et ainsi leur capacité à voir dans le noir ou encore les émissions d'ondes alpha de leur cerveau et leur ronronnement permettant de diffuser leur idées sereinement. Il abordait également leur fabuleuse adaptabilité, l'utilisation du langage en guise de réponse à l'homme prouvant ainsi toute leur intelligence, leur capacité à prévoir les séismes. Il finissait son rapport en soulignant le danger que représente le contact quotidien d'un chat. En effet, l'animal est porteur d'un parasite qui peut favoriser des cancers du cerveau ou la toxoplasmose, virus s'attaquant au système nerveux de l'homme et visant particulièrement les femmes enceintes.

Le lendemain matin, à son arrivée au bureau, l'un de ses collègues lança à l'intention de Dick : « Regardez qui voilà, l'Inspecteur Fox Mulder en personne ». Un autre, les mains au-dessus de la tête mima des oreilles de chat en miaulant puis s'arrêta devant lui en dessinant avec ses doigts de grands yeux ovales avant de crier : « Vision nocturne !» Soudain sortant de la masse, une jeune femme en tailleur, peut-être une secrétaire, s'interposa entre eux : « Arrêtez quoi... Il a raison, dans les films le chat est toujours le compagnon du méchant. » Tout le monde se mit à rire sans complexe de la blague sauf le principal intéressé. Elle ajouta : « Le directeur vous convoque en salle de conférence, Inspecteur Gadget. » Dick s'engagea dans le couloir sous les gloussements de ses collègues qui l'observaient passer devant leurs bureaux. Il tenait à la main son rapport, non sans appréhension. Il retrouva Jones qui l'attendait sur le pas de la porte. Il frappa et le directeur vint ouvrir aux deux hommes, il leur serra la main et les invita à s’asseoir en face de lui. La pièce affichait sur ses murs de nombreuses décorations de guerre et autres trophées de chasse. Sur le bureau une plaque en métal dorée indiquait son nom, Commandant Mitchell. Le directeur était un homme dans la force de l’âge, aux épaules larges et au regard sévère : « Dick, puis-je voir votre rapport concernant le quadrillage de la zone prioritaire ? » fit-il sur un ton monocorde.
Au bout de quelques minutes à examiner le dossier qu'il avait dans les mains, il changea de regard puis ferma brusquement le document et leva les yeux sur le binôme. Dick pensant avoir Mitchell acquis à sa cause fit une requête : « Comme vous pouvez le lire dans mon rapport, j'ai été confronté dans le grenier de Madame Abernathy à une machine que je ne saurais identifier par mes seules compétences. Ainsi, j'aimerais poursuivre l'investigation si vous me le permettez. Pour cela, j'aurais besoin, d'un chien ou d'un rat entraîné à la recherche d'explosifs, en plus d'un ingénieur en technologie de pointe mais surtout j'aimerais un mandat pour soumettre la propriétaire et quelques uns de ses chats au test Rosenfeld1.
- Hum... et vous comptez interroger comment ses félins ? 
- Pas besoin de parler si c'est à ça que vous faites allusion. Comme vous le savez, il nous suffit juste d'analyser le relevé encéphalographique pour obtenir nos réponses mon commandant. 
- Je vois... Toujours est-il que ce test n'est fiable qu'à 83 % alors de là à l'expérimenter sur des animaux vous imaginez. C’est ridicule. Et ce qui l'est d'autant plus, c'est d'envoyer un chien ou un rat dans une maison rempli de chat. Non mais vous imaginez un peu la scène Dick ? Vous n'êtes pas sérieux ?! Dick, répondez ! »
Décontenancé, le jeune inspecteur ne sachant quoi répondre balbutia des sons sans arriver à former de mots. « Vous devriez vous reposer... » fit le commandant avec un regard plein de compassion.
« Je... je... dois clore ce dossier avant, s'il-vous-plaît. 
- Puisque vous me forcez la main Dick, je vais devoir vous mettre à pied 
- Non Commandant... Vous ne comprenez pas, c'est d'une importance capitale. 
- Ne discutez pas mes ordres Dick, rendez-moi votre plaque et votre arme. Et que je n’apprenne pas que vous avez encore importuné cette vieille dame aveugle. »

L'enquêteur rendit son insigne et son revolver, récupéra son rapport et quitta le bureau le dos courbé et les sourcils bas. Une fois Dick parti, Jones, resté assis dit : «  Il va trop loin, cela devient gênant pour nous. » Le Commandant Mitchell acquiesça en se redressant sur son siège :«  Oui... s'il continue comme ça il risque de... »

Le lendemain, Dick fut retrouvé mort dans son appartement. Le cadavre fut découvert par la concierge, alertée par une tache d'humidité qui s'était formée sur son plafond. La police découvrit par la suite que cela avait été occasionné par un robinet resté ouvert. Ses collègues de l'agence vinrent inspecter la scène de crime. Aucune trace d'infraction ou de lutte, les inspecteurs conclurent à un suicide par arme à feu, ce que venait confirmer la lettre tapuscrite retrouvée près du corps. Ils ne relevèrent pas la présence de poils de chat sur ses vêtements, lui qui y était allergique, ni même la disparition du dossier que Dick avait ramené avec lui. L'agitation qu'avait créée la mort de l'inspecteur avait attiré l'attention du voisinage. Après le passage de la civière, un voisin curieux ouvra sa porte pour demander ce qui se passait, son chat se faufila entre ses jambes pour se promener dans le couloir balançant joyeusement sa queue de gauche à droite.

L'appartement de Dick ne fut pas sans occupants très longtemps. L’enquête, quant à elle, fut même bâclée. Ce n'est pas sa famille qui aurait réclamé une révision ou qu'elle soit approfondie, il n'en avait pas. Pas plus qu'il n'avait d'amis ou de relation amoureuse. Dick était un solitaire, du genre célibataire endurci qui mange ses repas devant un épisode de Star Trek. Personne donc ne réclama ses effets personnels. Il n'était pas non plus propriétaire, pour quoi faire ? Qui en hériterait ?
Après quelques petits travaux de rafraîchissement, le changement des moquettes – à cause du sang et de l'eau qui avaient imbibé les tissus – et peintures, les lieux étaient prêts à accueillir de nouveaux locataires.Le bailleur avait choisi le dossier d'une jeune veuve et de sa fille, sûrement avait-il été pris par les sentiments. Six mois plus tôt, Marion avait perdu son mari, la laissant seule avec Sabrina, tout juste adolescente. La mère avait dans les premiers temps envisagé de garder la maison familiale, mais face à l'ampleur de la tâche que représentait l'entretien d'une telle surface elle fut contrainte de renoncer. La vérité c'est qu'il était pour elle de plus en plus difficile de se confronter aux souvenirs qui hantaient les lieux. Ça aurait bientôt fait vingt ans de mariage, les noces de porcelaine, c'est ce qu'elle s'était dit en quittant son ancienne maison. L'emménagement avait été difficile, les cartons envahissaient l'espace et plus elles déballaient d'affaires moins elles pensaient tout faire rentrer dans leur nouvel appartement. C'était un deux pièces contenant une chambre, un salon, une cuisine, une salle de bain et des toilettes. Marion dormait dans le salon, de toute façon elle n'avait pas besoin de plus d'intimité que ça et comme c'était toujours elle la dernière couchée et la première levée, ça ne lui posait pas de problème. Le mobilier familial avait été vendu au profit de meubles en kit tout neuf. Le changement était total et leur permettait d'aller de l'avant. Une fois la décoration finie, la routine pouvait reprendre son cours, c'était tout ce à quoi elles aspiraient. Certes une photo du père et défunt mari trônait toujours sur le buffet mais c'était la seule chose qui appartenait au passé.

Sabrina comme toute adolescente, aimait passer son temps sur internet à parler avec ses copines et à écouter de la musique. C'est ce qu'ils font tous à son âge. Mais ce qu'elle préférait, c'était regarder les vidéos de chats stupides sur Youtube. Ces chats qui sautent, essaient de parler, se déguisent ou prennent des pauses grotesques. Elle ne se lassait pas de voir et revoir Maru, un chat coréen s'enfiler tout seul des pots de yaourts vides sur la tête pour parader ainsi tout fier devant la caméra de son maître. De temps à autre, le chat du voisin s'invitait dans leur appartement, en passant d'un balcon à l'autre. C'était l'occasion pour Sabrina de jouer avec lui ce qui n'échappait pas aux yeux de sa mère. Le matin de ses 16 ans, Sabrina trouva sur la table de la cuisine une enveloppe laissée par sa mère qu'elle ouvrit. La carte d'anniversaire représentait un chaton avec un nœud de cadeau sur la tête. Elle sourit, reposa la carte sur la table et s'installa pour déjeuner. Le soir alors que sa mère n'était pas encore rentrée du travail, Sabrina regardait la télévision tranquillement après une longue journée de cours. Soudain la chasse d'eau des toilettes siffla à travers tout l'appartement, elle eut beau monter le son, le bruit persista. C'est alors qu'elle se leva du canapé où elle était allongée pour voir d'où cela provenait. Dans la salle de bain, elle comprit que le mécanisme de la chasse d'eau avait cessé de fonctionner provoquant le vacarme. L'adolescente essaya de tourner le robinet se trouvant sur le tuyau d'arrivée d'eau mais rien ne se passa. En ouvrant le couvercle, elle découvrit qu'une grande pochette plastique empêchait l'obturateur de se rabattre sur la conduite. Elle le retira, et le sifflement cessa instantanément. Après avoir retiré le manuscrit de l'emballage étanche, la jeune fille se mit à le lire. Ce qu'elle pensait être le manuel de la chasse d'eau s’avérait être un dossier top secret laissé par le précédent locataire, l'inspecteur Dick. La lecture du document la partageait entre amusement et inquiétude. Il mentionnait des études démontrant que le chat provoque des cancers du cerveau, qu'il transmet la toxoplasmose aux femmes enceintes afin d’empêcher l'homme de se reproduire. Il évoquait les ravages de la drogue « Meow Meow », très meurtrière notamment en Angleterre, et le maire le plus célèbre d'Alaska qui était un chat du nom de Stubbs. Il désignait les vidéos de  LOLcats comme une savante opération de communication et s'interrogeait sur le contenu du site  Cashcat.biz  qui compile des photos de chats assis sur des montagnes de billets, avec des armes et de la drogue. Elle voulut vérifier certaines informations avec son ordinateur quand elle entendit sa mère sur le pas de la porte. Dans la surprise, elle remballa le dossier dans sa pochette et le replaça dans la chasse d'eau avant de refermer le couvercle. Marion qui était dans l'entrée demanda à sa fille de fermer les yeux et d'avancer dans le couloir. Quand elle fut autorisée à les rouvrir un mignon chaton blanc se tenait devant elle, en train de jouer avec le ruban cadeau qui lui servait de collier. Elle porta ses mains à sa bouche.
« Oh... maman! Merci, mais fallait pas...
- Comment ça ? C'est pas ce que tu voulais ? 
- Si... si... bien sûr que oui, c'est juste que je ne m'y attendais pas... »
Elle se baissa, l'animal la dévisagea de ses yeux verts et vint se frotter à ses jambes. Sabrina le prit dans ses bras, le tenant contre son épaule. Sa mère lui demanda :
« Comment tu vas l'appeler ? »
Ce à quoi l'adolescente, entre deux caresses, répondit par une autre question :
« Ça dépend c'est une femelle ou un mâle ? »
Marion approcha sa main de la tête du félin :
« C'est une femelle ma chérie. »
Sabrina déclara :
« Alors je l’appellerai Kitty, ça te plaît comme nom hein ? » fit-elle en s'adressant finalement au chaton.

Les jours passèrent et Sabrina n'arrivait pas à oublier ce qu'elle avait entraperçu dans le dossier de Dick. Sa mère commençait à s'inquiéter de la voir se réfugier un peu trop souvent aux toilettes avec la fenêtre ouverte. « Ma fille se met à fumer en cachette. » C'est ce que n'importe quelle mère penserait et c'est bien ce que soupçonnait Marion. Bien sûr, Sabrina aurait pu lire le document secret dans sa chambre mais si son chat était vraiment ce que Dick déclarait dans son rapport le risque encouru était trop grand. Elle avait de nouveau essayé de vérifier discrètement certaines informations sur son ordinateur mais son chat s'était allongé sur le clavier empêchant toute recherche sur internet. Elle avait tenté de le déloger mais celui-ci persistait. Après de longs moments à observer ce comportement chez Kitty, Sabrina était incapable de déterminer si c'était un jeu ou une machination. Elle voulut en avoir le cœur net. Dans son dossier, Dick faisait mention d'une série de tests pour déterminer les intentions de l'animal.

Il s'agissait d'un questionnaire portant sur les réactions de votre chat :

1. Vous allumez la télévision, vous zappez jusqu’à tomber sur la chaîne info...
a) Il cherche à savoir d'où viennent les bruits.
b) Il dort sur le canapé, rien ne peut troubler son sommeil.
c) Il vous rejoint, s'installe, attentif à ce qui se passe dans la boite à images.

2. Devant une porte fermée...
a) Il attend assis ou couché devant pour qu'on lui ouvre.
b) Il miaule sans arrêt et gratte furieusement.
c) Il a sa propre méthode pour ouvrir la porte.

3. Vous êtes à table, vous vous apprêtez à manger...
a) Il attend que vous lui donniez des restes.
b) Il monte sur la table, défiant votre autorité pour vous volez la nourriture de la bouche.
c) Il va directement en cuisine se servir.

4. Vous vous réveillez dans la nuit, votre chat est...
a) Dans son panier.
b) Au pied du lit.
c) Sur votre visage en train de ronfler.

5. Dans le jardin vous envoyez une balle à votre chat...
a) Il s'en fiche, il préfère prendre un bain de soleil.
b) Il ramène la balle comme le ferait un chien.
c) Il vous ramène un oiseau mort, ce qui dans certaines cultures peut s’interpréter comme une offrande ou un avertissement.

6. A la maison...
a) Il vous colle, toujours installé à moins d'un mètre de vous.
b) Il n'est jamais avec vous.
c) Il est rarement auprès de vous, sauf quand vous êtes malade, vulnérable.

7. Devant un insecte qui vole...
a) Il se contente d'observer.
b) Il ne réagit pas.
c) Il le capture, le tue mais ne le mange pas, c'est juste pour le plaisir de tuer.

8. Si votre chat croise un autre chat...
a) Il est agressif.
b) Il est indifférent.
c) Il est tour à tour intrigué, sociabilisant puis câlin.

9. Vous donnez un ordre à votre chat...
a) Il obéit.
b) Il est indifférent ou ne comprend pas.
c) Il vous regarde en se léchant l'entrejambe, l'air de dire : « Je m'en bats les couilles. »
10. Vous appelez votre chat...
a) Il ne vient pas.
b) Il vient.
c) Il vous prend par surprise, en bondissant de sa cachette, derrière vous.

Petite questions bonus de prévention :

Pour quelle raison les chats n'aiment-ils pas l'eau ?
a) C'est culturel, leurs ancêtres étant originaires des régions les plus désertiques du Moyen-Orient.
b) A cause du manque d’imperméabilité de leur pelage.
c) L'homme étant constitué à 60% d'eau et le chat étant une race extraterrestre, c'est pour lui une réaction instinctive.

Quand un chat vient se coller à vous et exerce des pressions avec ses pattes sur votre ventre c'est :
a) Un signe d'affection, il fait son nid auprès de vous.
b) Un geste qui lui vient de son enfance quand il essayait de tirer le lait de sa mère.
c) Il teste les défaillances de vos organes internes.

Si à l'issue du test votre chat a obtenu au moins quatre réponses C, cela signifie que vous êtes peut-être en danger. Votre animal maîtrise les codes du monde des humains ! Vous qui l'observez actuellement, sachez que lui aussi vous a longtemps étudié jusqu'à imiter certains de vos gestes et savoir exactement se faire comprendre. De plus, sachez que le chat utilise uniquement sa voix pour se faire entendre de l'homme. Dans son milieu naturel, il a d'autres modes de communication. Faites attention, il sait tout de vous et a certainement une longueur d'avance sur vous.

A peine avait-elle fini de remplir le questionnaire, troublée, qu'elle appela le chat qui surgit de sous le lit. Sabrina cria sous le coup de la surprise. Quand elle retrouva ses esprits, elle s'approcha du chat avec un de ses jouets à la main. Pour ne pas que le chat se rende compte de l'expérience elle décida de profiter d'un moment de jeu. C'est alors que sa mère passa la tête par le cadre de la porte, lui demandant de mettre la table, puis celle-ci s'en alla allumer la télévision. Marion ne ratait jamais le journal télévisé de 20 heures. Kitty s'installa aussitôt devant la télévision. La jeune fille prit la télécommande et changea de chaîne, puis la reposa sur le canapé. Le chat se jeta sur elle pour piétiner la télécommande jusqu’à ce que la chaîne info revienne à l'écran. Le chaton courba le dos et sortit les dents, soufflant en direction de sa maîtresse. « Arrête de jouer avec le chat, on va manger », lança Marion à sa fille. Elle s’exécuta sous le regard menaçant de l'animal qui se retourna vers l'écran après son départ. La présentatrice blonde en tailleur foncé annonça la venue dans les prochains jours du président Ron S. Whitmore à l'occasion du Mémorial de la célèbre bataille de Trenton. Sabrina en observant la scène depuis la cuisine, réalisa toute l'ampleur du danger. Les chats prévoyaient un attentat à l'encontre du pays.
Ce soir là, le dîner fut silencieux et difficile à avaler. Elle en fut même malade, sans que sa mère ne comprenne pourquoi. Marion était pourtant infirmière. Kitty vint à son chevet dans la nuit, ce qui ne fit rien pour rassurer Sabrina.

Le lendemain, Sabrina prépara son sac de cours comme à son habitude à la différence près qu'elle y ajouta un classeur supplémentaire, contenant le dossier de l'agent Dick. Elle se dirigea vers la salle de bain pour le récupérer quand elle vit derrière elle Kitty surgir de nulle part. Elle se précipita à l'intérieur claquant la porte derrière elle. Pensant l'animal coincé dans le couloir, elle verrouilla la serrure. Or il avait réussi à rentrer. Le chat lui sauta au cou mais elle l'attrapa en plein vol et le jeta dans la cuvette qu'elle referma aussitôt. Pour éviter que la bête ne sorte, elle s'assit sur le couvercle. Malgré sa petite taille l'animal tapait suffisamment fort pour faire trembler le toilette avec Sabrina dessus. Sabrina savait qu'elle ne retiendrait pas bien longtemps l'animal ainsi. Cherchant du regard un objet plus lourd pour maintenir la cuvette fermée, elle eut l'idée qui lui sauva la vie : utiliser le désodorisant pour tuer le chat. Elle se pencha sur le côté pour attraper le spray. Profitant du contre poids le chat parvint à glisser une patte au dehors. Il déchira l'air de ses griffes acérées. Sabrina s'en rendit compte et bascula tout son poids à cet endroit. La patte coincée, l'animal hurla et l'adolescente l'aspergea de désodorisant tout en se couvrant la bouche et le nez avec du papier toilette. Sous l'effet de surprise, il retira son membre et l'abattant claqua contre le siège du WC. Après plus d'une minute, la bombe vidée entièrement de son gaz, Sabrina écouta attentivement avant de tirer la chasse pour achever le calvaire de Kitty. La jeune fille eut trop peur de regarder à l'intérieur pour vérifier que son chaton soit mort. Elle souleva le capot du mécanisme de la chasse d'eau, récupéra le dossier de Dick, referma le couvercle et déverrouilla la porte. Avant de se rendre au défilé du Mémorial, elle passa récupérer son sac et son classeur dans sa chambre et ne put s’empêcher de jeter un dernier coup d’œil en direction de la cuvette des toilettes. Le claquement de la porte résonnait encore dans la cage d'escaliers, que Sabrina franchissait déjà le portail de l'immeuble.

Trenton, la petite ville tranquille du New Jersey, accueillait aujourd’hui le président pour une commémoration. C'était un événement sans précédent pour ses habitants. Il y avait foule sur Hamilton Avenue. Pour l'occasion, des vigiles étaient postés tous les trois mètres sur le trottoir pour prévenir d’éventuels débordements. La mise en place de barrières n'avait pas été jugée nécessaire, seulement la présence d'un cordon de sécurité. Sabrina arriva sur le lieu du rassemblement et put se faufiler à travers la foule grâce à sa petite taille. Elle atteignit rapidement le premier rang. Elle pouvait entendre le cortège et sa fanfare approcher doucement à moins d'une centaine de mètres. Ses doigts se crispaient contre la pochette cartonnée du dossier. Sans savoir pourquoi elle présageait le pire, pourtant tout n'était que sourire et joie autour d'elle. Les gens brandissaient des pancartes en chantant l'hymne national se tenant amicalement par les épaules.
Quand le cortège arriva à sa hauteur, l'adolescente passa en-dessous du cordon et s’élança en direction de la voiture présidentielle. Le vigile n'avait pas eu le temps de réagir qu'elle était déjà contre le véhicule essayant d'attirer l'attention de l'homme d’État. Sabrina cria quand l'escorte l'attrapa et commença à la ramener sur le bord de la route. Le président fit signe au service de sécurité de s’arrêter un instant et se pencha vers l'adolescente.
« Qu'y a-t-il mademoiselle ? 
« - Bonjour Monsieur le président... Excusez-moi... Je crois que vous êtes en danger... Lisez ceci. »
Elle sortit le dossier caché sous sa veste au niveau de la poitrine ce qui déclencha une vive réaction chez les vigiles. L'un d'eux reçut un appel sur son talkie-walkie. Après ça, les vigiles raccompagnèrent subitement Sabrina à l'écart tandis que d'autres reconduisirent précipitamment le président dans son véhicule. Le bruit d'une explosion retentit dans la foule, suivi du démarrage en trombe de la voiture.

Une demi-heure après, quand l'escorte présidentielle fut arrivée à Newark, au bureau du FBI, une conférence de presse fut organisée en urgence. Pendant le trajet, Ron S. Whitmore avait eu le temps de feuilleter le dossier transmis par la jeune fille. Avant de monter sur scène, un de ses assistants lui annonça qu'elle faisait partie des nombreuses victimes de l'attentat. Lors de son discours, le président apparu avec une tristesse non dissimulée, rapportant qu'il n'avait que « trop peu d'information pour l'instant mais que les auteurs de cette catastrophe seraient retrouvés et jugés. God Bless 'Merica ! » Le chef d’État quitta ensuite l'espace de conférence. Mitchell, le directeur de cette antenne du FBI vint à sa rencontre : « Monsieur le président, nous sommes prêts pour vous faire notre débriefing si vous le voulez bien. Nous pensons détenir des éléments très importants. »
Les deux hommes avancèrent dans un long couloir débouchant sur une grande salle comprenant deux écrans géants accrochés au mur.
«  Tout d'abord, pour mieux comprendre l’événement et l'analyser, nous avons utilisé CoSync qui comme vous le savez est un logiciel qui récolte toutes les sources vidéos et audios provenant des téléphones portables, des appareils-photos ou encore des Google Glasses et émis à un moment et à un lieu précis grâce aux réseaux Bluetooth, Wi-fi et 3G, ainsi qu'aux réseaux de données LTE. »
Mitchell se tenait droit le torse bombé fier de ses trouvailles technologiques quand le président Whitmore l'interrompit d'un geste de la main : « Évitez-moi votre charabia de geek. »
Mitchell toussa légèrement puis sourit mal à l'aise : « Pour résumer cet outil nous permet de former un panorama interactif, de regarder une seule version des événements, comme si on y était. Ce que nous avons découvert grâce à ce système, c'est que les commanditaires des attentats ne sont pas que des hommes. D'ailleurs, ce n'est même pas l’œuvre d'un homme. Ils ont utilisé des chats pour faire le travail à distance et en toute impunité. »
Le président Whitmore qui avait les yeux rivés sur les deux écrans géants tourna la tête vers son interlocuteur : «  Monsieur Mitchell, tout cela je le savais déjà, c'était inscrit dans le dossier que m'a donné la jeune fille avant de... A ce propos, si je puis me permettre c'était un dossier top secret appartenant à l'un de vos subordonnés je crois... L'inspecteur Dick si mes souvenirs sont bons. Comment expliquez-vous cela ? 
« - Il a dû être égaré. Je pensais qu'il avait été supprimé.
- Et ce Dick où est-il ? Égaré lui aussi ?
- Non Monsieur le président. Nous avons retrouvé l'inspecteur Dick mort dans son appartement il y a quelques mois. Il semblerait d’après nos enquêteurs qu'il se soit suicidé.
- J'en suis attristé. Il nous aurait été d'une grande utilité. Il faudra que nous reparlions de tout cela plus tard. » dit-il en pointant un doigt menaçant sur son interlocuteur avant de se retourner vers les écrans géants.
« Savez-vous pourquoi le D.A.S2 n'a rien signalé au moment des faits ?
- Apparemment, les vieilles dames et les chats ne sont pas dans les critères de menaces potentielles du système.
- Des vieilles dames ?
- Oui en effet. Après analyses des images de vidéosurveillance biométrique par nos équipes nous avons remarqué que peu de temps avant l’explosion, une vieille dame était rentrée dans le bâtiment avec un chat dans une cage. Au début, nous n'avons pas pu l'identifier sur les bandes, une énorme tache blanche apparaissait à la place de son visage. Il aurait pu s'agir d'un reflet, mais sur ce type de matériel c'est tout simplement impossible. En corrélant d'autres sources provenant de caméras de technologie standard nous avons enfin pu comprendre l'origine du problème. Ce que les agents de sécurité lors du contrôle à l'entrée du bâtiment, compte tenu de l'âge supposé de la vieille dame, pensaient être de simples lunettes pour traiter une dégénérescence maculaire, était en réalité un astucieux dispositif de brouillage. Les dites lunettes étaient sans aucun doute équipées de leds infrarouges, invisibles à l’œil nu mais très efficaces pour tromper les caméras biométriques. Ainsi, la reconnaissance faciale devenait impossible.
- Je vois. »
Le président se gratta le cou, puis saisit son téléphone, pour demander à ce que l'on convoque en urgence le conseil de sécurité de l'ONU.

Les dirigeants chinois, russe, français et anglais se réunirent sur invitation du président américain. Contrairement aux idées reçues les chefs d’États russe et chinois entretenaient une relation très conviviale avec leur homologue américain. Ils se tutoyaient et s'appelaient par leurs prénoms. Comme toujours l'ambiance était plutôt décontractée pour une réunion au sommet.
« Dis-moi, tu as bien reçu mes travers de porc et mon magret ? » dit Ron à Xintao en prenant l'accent français et en lui tapant amicalement l'épaule.
« Tu as terrorisé tous mes paysans avec tes conneries!
- 13 000 cadavres de cochons et 1000 de canards dans les eaux du Huangpu. Ça en fait du canard laqué et du porc au caramel ! » ajouta l'Américain en passant derrière le Russe.
« Je pensais que c'était Petrov. Du coup, je lui ai balancé un de mes satellites dans l'Oural.
- Enfoiré de niakwé ! C'était toi alors la fameuse météorite à Tcheliabinsk ! J'ai cru que c'était ce salopard de Ron ! » s'esclaffa Petrov. 
« J'aurais du m'en douter. Les chats venus de l'espace, du Petrov tout craché. T'as bien failli m'avoir comme avec cette histoire à Roswell. »
Tous se regardèrent et explosèrent de rire. Quand le silence fut revenu le président américain interrogea ses compères : « Non, sérieusement les mecs c'est qui ? »
A nouveau, ils se dévisagèrent les uns les autres à la recherches d'un rictus mal dissimulé mais tous restèrent sérieux à la plus grande surprise de Ron. Il se passa la main sur le visage en secouant la tête : « Et merde... »



FIN...Peut-être...


 
1 Outil de détection expérimental, la version évoluée du détecteur de mensonges, le fameux P300. Protocole utilisant un système électroencéphalogrammes, des courants électriques prélevés par électrodes à la surface du cuir chevelu, qui varient en fonction de l'activité du cerveau. Activité qui se traduit par un signal caractéristique lorsque le sujet reconnaît un visage, un lieu, un objet ou nom. 

2 Domain Awareness System : Logiciel de lutte antiterroriste qui associe un système d’analyses en temps réel aux images de vidéosurveillance de la ville émanant de cameras et drones volants, dans le but d’identifier des menaces potentielles.

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