dimanche 15 mars 2015

A dormir debout

 A dormir debout


Xavier n'est pas le genre de cambrioleur qui passe par la porte. Pourquoi s'embêter à déverrouiller une porte quand on peut s'introduire par la fenêtre laissée négligemment ouverte ? La réponse vous l'avez dans la question.
Sans compter qu'une infraction constatable, c'est pire qu'un témoin, c'est une preuve.
Et puis les serrures, c'est pas son truc. Travailler en équipe non plus d'ailleurs mais dans son cas, c'est une nécessité. Chaque cambrioleur a sa pièce de prédilection, sa spécialité, lui, c'est la chambre. Vous allez bientôt comprendre pourquoi.

Depuis son plus jeune âge, le pauvre garçon souffrait de narcolepsie.
Ainsi tout le monde l'appelait Marco pour Marco-leptique. Le jeu de mots avait plu, le surnom était resté. Xavier, né sous X, tirait ce patronyme d'une infirmière qui n'avait pu se résoudre à le laisser sans nom. Un brancardier qui passait dans la maternité, proposa en rigolant de l'appeler Xavier en référence au X et la puéricultrice l'inscrivit sur l'acte de naissance.

Marco, Xavier peu importe son état civil, s'endormait où qu'il se trouve, en toute situation. Ça commença avec sa scolarité. A l'époque ses professeurs ne prenaient pas sa maladie au sérieux, faut dire qu'elle n'était pas encore diagnostiquée. Ce fut le motif de bien des sanctions à son égard. Si bien qu'à peine l'âge légal passé, il se retrouva dehors, sans qualifications et sans avenir. La maladie n'était pas que synonyme de malédiction. Au collège, il avait survécu et évité le traumatisme d'une fusillade lors d'une de ses nombreuses siestes sur table. Cependant quand il avait voulu passer son permis de conduire, il avait à plusieurs reprises failli s'écraser dans un mur. Dès lors, il conduisait sans permis, en dépit de sa maladie, ce qui l'amenait parfois à se réveiller dans un parking souterrain vide en pleine nuit.Il se réveillait dans des endroits improbables. Souvent avec moins de vêtements qu'il n'en portait sur lui avant son sommeil. D'ailleurs, il n'avait plus de portefeuille. Pour le remplir avec quoi? Des cailloux ?
Il avait travaillé un temps dans un fast food, mais s'endormir sur la plaque de cuisson ou la tête dans la friteuse constituait pour lui un métier à risques.
Il finit par postuler dans les agences d'intérim sans conviction, à moins d'avoir l'opportunité d'être choisi comme contrôleur qualité pour Dunlopillo, il avait peu de chance de trouver pantoufle à son pied. La Poste peut-être? Personne ne le sait, il n'y avait pas pensé.
Sans d'autres options, il avait dû se mettre au cambriolage. La fatigue qu'occasionne le travail de nuit dans cette profession ne le contraignait pas, il avait la plupart du temps dormi son quota d'heures dans la journée.

Sa vie ressemblait à une projection diapositive pour stimuler les personnes atteintes d'Alzheimer. A chaque fois qu'il clignait des yeux, il changeait de décor, il avançait dans le temps sans jamais se souvenir du comment il en était arrivé là.
Un matin, il se réveilla avec une femme endormie à ses côtés.
Elle était plutôt corpulente. Vous savez ce qu' on dit sur les hommes qui aiment ce genre de femmes. Y trouvent-il une forme de sécurité, d'apaisement ou incarnent-elles la figure maternelle qu'ils n'ont pas eu? Quoi qu'il en soit, elle avait de quoi combler le manque laissé par une enfance de garde alternée entre la DASS et les familles d'accueil. Si elle avait l'allure de la mère qu'il n'avait pas eu, elle en avait aussi hérité du rôle. Lui, c'était le mari endormi devant la télé pendant qu'elle faisait ménage et cuisine. Non pas qu'il soit macho mais plutôt narco. C'était là un des rares avantages que lui procurait la maladie.
De sa maladie parlons-en justement. Il avait peur de dormir la nuit. Il aimait la compagnie de sa femme mais pas dans le lit conjugal. Y a des hommes comme ça. S'il avait su, il en aurait sûrement choisi une plus vieille, au moins ils feraient chambre à part.
Chaque nuit il se réveillait en sursaut. Les ronflements au souffle froid qui s'engouffraient dans sa nuque, le tirage de couette ou les câlins nocturnes de sa femme le sortaient de son sommeil dans un état de panique. Il pouvait soudain être pris d'hallucinations jusqu’à ne plus discerner le rêve de la réalité, l'éveil du sommeil paradoxal.

Maintenant que vous connaissez son passé, vous êtes plus à même de comprendre son présent. Ce cauchemar permanent lors d'une nuit sans fin où les cambriolages s’enchaînent, les maisons défilent. Toutes avec les mêmes intérieurs, le même mobilier de bois foncé et cette odeur de renfermé qui hante les lieux. Seuls les coloris changent, si bien qu'à force tout se mélange dans sa tête.
Son partenaire, Sullivan lui avait promis un plan infaillible, le crime parfait. Ni vu ni connu. Le fameux plan consistait à cambrioler des résidences de personnes âgées. Pour gagner en efficacité et rentabiliser le risque Sullivan avait proposé de diviser le travail.
Pendant que Marco s'occuperait de la chambre (il était de loin le meilleur pour détecter des économies cachées dans les matelas). Sullivan lui, ferait la cave à vin et le bar du salon.
Sullivan justement parlons-en. Peu répandu comme prénom par ici, vous ne trouvez pas? Ses parents n'étaient pas irlandais. Ah ça non, c'est le moins qu'on puisse dire. Ils étaient tout deux originaires du Mali et comme vous le devinez notre homme était noir. Pratique me diriez-vous, un cambrioleur noir, c'est le meilleur camouflage dans l'obscurité (à condition de ne pas trop sourire).
Pour tout vous dire sa mère était serveuse et c'est tout naturellement qu'il fut conçu dans les toilettes d'un pub du même nom. Ses parents n'étaient pas allés chercher l'inspiration bien loin.
Triste ironie du sort, il était devenu alcoolique le garçon. Au whisky Clan Campbell et rien d'autre disait-il accoudé au comptoir.
Je vous vois venir vous vous dites: "En même temps en ayant grandi dans un bar c'est presque évident qu'il en soit arrivé là". Mais je vous arrête tout de suite. Vous vous trompez, ce n'est pas ça. Son addiction avait commencé le jour où il avait découvert que sa mère arrondissait ses fins de mois en faisant des vidéos pornos "amateurs" privées. Et oui, tous les enfants de barmaid ne deviennent pas alcooliques.
Revenons-en à nos moutons, du moins à ceux que Marco n'avait pas besoin de compter pour trouver le sommeil.

Un clignement de paupière. Marco grelotte à cause du vent qui s'engouffre dans la chambre par la fenêtre laissée ouverte. Celle par laquelle il s'est introduit avant de s'installer sous la couette d'un lit vacant.
Dans la chambre à côté, Sullivan décapsule une bière. Ce n'est pas sa première de la soirée, il est soûl et se prend les pieds dans le tapis. Alerté, Marco rapplique alors que son associé s'enferme dans la salle de bain certainement pour vider l'armoire à pharmacie. C'est bien connu les vieux sont les plus gros toxicomanes. Quoi qu'il arrive, on suit le plan.
Le chahut a réveillé le vieil homme allongé au centre de la pièce qui se redresse en panique sur son lit. L'assistance respiratoire se déclenche dans un bourdonnement. Il saisit notre cambrioleur narcoleptique par le bras, tout en appuyant frénétiquement sur le bouton de sonnerie d'urgence.
Pris de convulsions à la poitrine, il finit par lâcher Marco. L'alarme se déclenche à l'unisson avec le bip d'alerte de l'électrocardiogramme.

Un clignement de paupière. Marco a froid. C'est par ce qu'il n'a plus de couverture. A côté, dans la salle de bain, Sullivan vomit. Ce qui devait arriver arriva. L’histoire se répète mais avec de subtiles variantes. Marco ne la connaît que trop bien. Un policier grogne des ordres à ses subalternes. Marco, les bras tirés en arrière pour qu'on lui mette les menottes, est conduit tête baissée jusque dans la voiture de Police. Le véhicule démarre la sirène à fond.

Un clignement de paupière. Tout semble normal. Ce n'est qu'un mauvais rêve pense-t-il soulagé. Retour au foyer, ce cher lit conjugal.
Comme à son habitude, il tire sèchement la couette de son côté. C'est alors qu'il se rend compte que pour la première fois depuis longtemps, il ne se réveille pas transi de froid. Pourtant, il sent sa femme se retourner pour lui faire un câlin comme à chaque fois. Mais Marco le sait, quelque chose cloche dans cette routine. Tout est trop bien. Le cauchemar aurait-il laissé place au rêve ? Marco essaie de se dégager du bras qui pèse sur ses côtes mais tout ce qu'il obtient c'est de se faire tirer une fois de plus en arrière. Et comme si ça ne suffisait pas, il reçoit un bisou dans le cou. Étrangement sa barbe lui pique le cou. Pourtant quand il palpe ses joues, il semble rasé de près. Il remarque enfin le gros bras noir et poilu aux manches orangées qui l'étreint. Son codétenu et associé lui demandant d'une haleine fétide teintée de relents alcoolisés: "On est où ?". Le bip annonçant la fermeture des grilles des cellules de la prison ne laisse pas le temps à Marco de répondre. De toute manière, il s'est déjà rendormi.

samedi 14 février 2015

La Fiancée

 La fiancée


Boris et Elsa formaient un couple comme il y en a beaucoup. Un couple par dépit, faute de mieux.
Tous deux avaient besoin de cette relation mais pas du partenaire qu'ils s'étaient trouvés.
Comme deux adolescents dans une boom qui se retrouvent malgré eux à danser un slow ensemble.
Pour sa part Elsa sortait d'une longue histoire qui s'était mal terminée.
Incapable de rester seule, enchaînant les relations sans lendemain. Elle s'était jetée au cou du premier mec sérieux rencontré, en la personne de Boris.
Une fille un peu perdue, en manque d'amour et d'affection.
Hormis leur attirance physique réciproque, ils n'avaient pas grand chose en commun.
Et encore que... Boris n'aimait pas trop le visage d'Elsa.
Disons simplement qu'il était plus intéressé par ses formes.
Savait-il avant de la demander en mariage qu'avec le temps tout finit par changer ? Que tout finit par se détériorer ?
Le physique bien sûr, mais pas seulement, la relation elle-même et qu'elle doit être suffisamment forte avant de prendre un tel engagement.
Peut-être s'était-il juste imaginé ce corps aux formes séduisantes dans une robe blanche à froufrous. Un joli paquet cadeau en somme.
A dire vrai, ils ne se connaissaient pas vraiment.
Dès le départ ils s'étaient mis ensemble trop tôt, avaient emménagé trop tôt et s'étaient fiancés trop tôt.
C'était le genre de couple démonstratif que l'on voit s'embrasser goulûment sans pudeur à la vue de tous dans les halls de gares, les cinémas, la rue, les pubs pour du parfum et qui le lendemain se demandent ce qu'ils font ensemble comme après une soirée trop arrosée.
Malgré tout ils partageaient quand même une forme d'intimité, sexualité mise à part.
Pour plaisanter, elle lui disait souvent qu'il était pourri de l'intérieur.
Juste parce que ça puait quand il lui arrivait de péter au lit.
Et ça l'amusait tellement de lui maintenir la tête sous la couette.
Alors elle lui disait qu'il était le pire des petits amis que l'on puisse imaginer. Sans arrière-pensée.

Jusqu'au 6ème mois de leur rencontre, elle avait toujours pris soin de faire couler un filet d'eau dans le lavabo pendant qu'elle faisait la grosse commission.
Mais elle ne s'en tenait pas qu'à cela, pour étouffer le bruit.
Elle glissait aussi le tapis de bain contre le bas de la porte et c'est avec précaution qu'ensuite elle déposait deux tours de rouleau de papier toilette dans la cuvette pour amortir la chute de ses excréments.
Naturellement, une fois les premiers mois de relation passés, elle avait concédé à se laisser aller à moins de précaution.
Elle ne filait plus aux premières lueurs du jour s'enlever les crottes des yeux et se laver les dents avant qu'il ne se réveille.
Bien sûr elle évitait de manger certains fromages, ou de l'ail en sa compagnie et avait toujours un paquet de chewing-gum sur elle.
J'imagine facilement que son pire cauchemar, celui dont elle se réveillait la nuit pleine de sueur, était d'avoir un morceau de salade entre les dents au moment de faire un selfie amoureux.
Indépendamment des petits "relâchements" de sa part, elle avait trouvé que Boris était moins attentionné, moins présent pour elle au fil du temps.
Elle avait même remarqué qu'il se permettait de mater les filles dans la rue lors de leurs balades en ville.
Pour tout dire, il ne se gênait pas de commenter d'un "elle est bonne" toutes les filles qui apparaissaient à l'écran quand ils regardaient la télé ensemble.
Une nuit alors qu'elle s'était levée pour aller aux toilettes, elle l'avait surpris main dans le caleçon devant un film pornographique.

Une autre chose qu'elle avait remarqué, ce changement dans ses habitudes, il se couchait de plus en plus tard, restait dans le salon à discuter - c'est ce qu'elle en avait déduit en l'entendant pianoter et glousser alternativement - sur son ordinateur avec je ne sais qui.
Cette seule question la rendait folle de jalousie.
A tel point qu'elle l’empêchait de trouver le sommeil dans ce lit, à la moitié froide et inoccupée.
Cela lui faisait l'effet d'un coup de poignard dans le ventre.
Il fallait qu'elle en ait le cœur net, si vous voyez ce que je veux dire et sans mauvais jeu de mots.
C'est pour cette raison qu'elle vérifiait l'historique du navigateur, de ses mails, de ses messageries instantanées sans jamais rien trouver, tout était effacé.

Sa peur avait tout de même fini par se calmer quand il lui avait fait sa demande en mariage.
Alors qu'elle rentrait du travail plus tôt qu'à son habitude, son homme, lui, était encore à son entraînement de foot.
Excédée par sa journée, elle ne rêvait que d'une chose : être affalée sur le canapé devant la télé.
En ouvrant le frigo pour se servir un grand verre de soda bien frais, elle découvrit 6 bouteilles sur lesquelles était inscrit un message qui mis bout à bout disait : "Veux-tu m'épouser?".
L'effet de surprise bien qu'étant raté, elle s'attendait à se faire inviter au restaurant et s’apprêtait en conséquence.
Depuis le temps qu'elle attendait cela, elle n'allait tout de même pas refuser!
"Pourvu juste que ce ne soit pas dans un fastfood, s'il cache la bague dans un burger, je lui vomis dessus" pensa-t-elle.

Les mois qui suivirent Boris montrait peu d’intérêt pour la préparation du mariage.
Quand elle essayait d'évoquer le sujet c'est à peine s'il répondait, trop occupé à regarder le match à la télé quand il ne le jouait pas sur sa console.
Et à chaque fois elle avait cette même sensation, dans le bas ventre, ce mal aux tripes.
Cette sensation qu'elle pensait disparue depuis la demande en mariage et qui s’accentuait maintenant.

L'entourage du couple trouvait qu'Elsa avait beaucoup maigri ces derniers temps sans s'inquiéter pour autant.
Après tout, c'est chose courante de voir une femme perdre du poids pour rentrer dans sa robe de mariage.
Et puis la date du grand événement approchait... l'enterrement de vie de garçon aussi.
Si jusqu'alors ça ne l'avait pas inquiété, car "après tout se disait elle, nous allons nous marier" il y avait toujours ce "mais" qui s’insinuait dans ses pensées.
Elle savait par la compagne d'un de ses amis que ses copains du football avaient prévu de l’emmener dans une boîte de strip-tease.
En soit rien de bien original, rien de plus que des femmes dénudées, ce n'est pas comme s'ils allaient voir des prostituées.
Une chose qui n'avait pas son importance avant mais qui obsédait maintenant notre jeune fiancée.
Ça lui donnait des spasmes rien que d'y penser, et lui provoquait de violentes diarrhées.

Le matin avant de partir travailler, elle se penchait toujours sur lui pour l'embrasser sans le réveiller.
Boris se leva, réveillé par une odeur infecte qui flottait dans les airs.
Le connaissant cela aurait très bien pu être l'un de ses propres pets mais ce n’était pas le cas aujourd’hui.
Et ce ne pouvait être l'haleine d'Elsa, car dans son demi-sommeil il lui semblait bien l'avoir entendu se laver les dents.
Sûrement une odeur s'échappant du frigo quand elle l'avait ouvert en conclut-il.
Son réveil se mit à sonner et avec lui, la pensée que tout le monde avait décidé de le faire chier ce matin.
Il passa sa main sur les draps pour atteindre la table de nuit et toucha des cheveux laissés par Elsa.
En commençant à se masturber - c'était son rituel matinal quand elle était absente - là encore, il trouva un de ses longs cheveux noirs, enroulé autour de sa verge.
Comme pour lui rappeler qu'elle était toujours ici.
Une fois fini, il en vit aussi dans le syphon de la douche quand il alla se laver mais également dans le frigo, sur la cuvette des toilettes.
Absolument partout dans l'appartement.
Omniprésente, comme la poussière qui se dépose sur les meubles, elle en est même une composante.
Gagné par la lassitude à tel point qu'il ne fait même plus attention à elle.

Le soir quand elle rentra, alors qu'elle parlait de sa journée tandis que lui jouait à la console, il s'interrompit soudainement en pleine partie.
Les narines alertes, il remarqua que c’était bien la même odeur putride qu'il avait senti plus tôt dans la matinée et qui s’échappait maintenant de la bouche de sa fiancée.
Perdu dans ses pensées, il ne l'écouta qu'à moitié.
"Comme si elle était éternellement au réveil" se dit-il à lui même.
Avec ses grandes cernes qui marquaient ses yeux, et ses rides de fatigue qui creusaient son front, elle semblait lessivée.
Il se rendit compte que c’était précisément ce qu'elle était en train de lui raconter quand il croisa son regard inquisiteur.
Comme souvent, elle se plaignait de douleurs en revenant du travail et comme souvent il ne l'écoutait pas.
Trop absorbé par son jeu vidéo quand ce n’était pas internet, ou son téléphone.
Et c'est bien ce qu'elle lui reprochait, son manque de communication... avec elle.
Du coup, elle se résigna à parler avec sa mère au téléphone.
Que ferait-elle sans les bons conseils de sa maman "new-age".
Infirmière à la retraite qui ne pouvait s’empêcher de vanter les vertus de l'ayurveda à qui voulait bien l'entendre.
Cette médecine dite non-conventionnelle issue des traditions indiennes qui se pratique sous forme de massage.
Quand Elsa disait avoir mal à la nuque cela pouvait signifier qu'elle avait peur de ne pas s'en sortir.
Sa mère lui suggéra que c'était certainement à propos de l'organisation du mariage.
Pour des douleurs dentaires cela se justifiait par un non-dit.
Avec l'apparition spontanée de petites plaques d'eczéma cela s'expliquait par la peur de rester seul ou un manque de communication.
Les diagnostics de sa mère étaient bienveillants mais fonctionnaient sous l'idée que chaque mal avait un sens caché.
Que la moindre douleur se voulait être l'expression physique d'une émotion, que tout était somatique.
Et bien qu'Elsa faisait appel à sa mère pour la conseiller, elle n'en était pas moins mal à l'aise face au caractère intrusif des informations que ses symptômes pouvaient révéler sur elle-même ou son couple.

Cela faisait 3 semaines que cela durait.
Boris ne prenait toujours pas cela au sérieux, loin de relativiser comme sa belle-mère il se permettait même d'en rire.
Ce soir là, elle rentra du boulot et alors qu'elle réclamait son attention pendant qu'il discutait sur internet, exténué d’être dérangé, il se mit à l'imiter.
Submergé par ses émotions, elle ressentit comme des palpitations, prise de vertiges elle s'appuya sur un mur avant de s'évanouir.

Quand elle reprit connaissance, c'était dans une chambre d’hôpital entourée d'infirmières et d'un médecin.
Celui-ci penché au dessus de son lit lui expliqua qu'elle était atteinte d'une maladie qu'il n'arrivait pour l'instant pas à identifier et qu'elle devait rester en observation jusqu’à ce qu'il puisse la déterminer.
Durant tout le long de l'entretien le médecin s’efforçait d'être rassurant malgré son accent grave ce qui n'échappa pas à la jeune fille.

Les jours se suivirent et son état allait en se dégradant.
Le corps médical n'avait jamais vu une chose pareille, ses organes se nécrosaient, pourrissaient littéralement comme un zombie.
Chaque matin, en se levant elle ne pouvait que constater son déclin dans le miroir de la salle de bain adjacente à la chambre.
Ses cheveux devenaient filasses, et gras en permanence même après un shampooing.
De ce fait et pour le cacher elle les attachait en une grosse choucroute.
Le traitement ne lui avait certes pas fait perdre ses cheveux mais une longue mèche blanche s'était immiscée au milieu de ce qui était autrefois sa belle chevelure noire. Du piébaldisme, c'est ainsi que les médecins de l’hôpital appelaient cette pathologie.
Dans sa blouse blanche, on aurait cru voir la fiancée de Frankenstein.

Plus le temps passe plus son état s'aggrave et moins Boris lui rend visite.
Durant ses longues journées d'attente, elle traîne sur internet.
Le monde continue de tourner en son absence.
Boris, son fiancé, est toujours connecté mais ne répond pas quand elle vient lui parler.
C'est étrange comme il agit à l'identique au virtuel comme dans le réel, au propre comme au figuré.
Et c'est depuis que le médecin a évoqué la nécessité d'une greffe, qu'il a pris ses distances.
Son fiancé est du même groupe sanguin, compatible, et pourtant il se comporte comme un inconnu.
L'amour, ce n'est pas que des engagements c'est aussi et surtout des actes. Jusqu'à ce que la mort nous sépare, s'en défendrait-il?

Elsa est semblable a cette fleur qui se fane dans ce vase posé sur sa table de chevet.
La vie est un cancer généralisé, une maladie incurable, quoiqu'il arrive on finit par en crever.
Ce n'est là, un secret pour personne.
Et vous savez que si l'amour est chimique c'est parce que la vie est toxique.
Lors d’un baiser, nous échangeons plus de 40 000 parasites et 250 types de bactéries mais ce qui peut vous être encore plus nocif c'est de tomber amoureux de la mauvaise personne.

lundi 1 décembre 2014

Objet du désir



 Objet du désir

Femme au foyer est le fantasme de beaucoup d'épouses encore aujourd'hui.
Bien que soit passée la révolution sexuelle des 60, le féminisme des 70, les années 80 ont marqué le renouveau de la ménagère.
Si en plus celle-ci n'a pas d'enfants à sa charge, cela prend des allures de vacances prolongées.
Malgré tous les aspects positifs que cela comprend, il faut bien admettre que le rythme décalé des journées passées dans le canapé à regarder le télé-achat vous rend dépressive et ce au bout de quelques semaines seulement.
Pour se changer les idées elle a bien songé au bénévolat, faire partie d'une association, un club de sport mais son mari préfère la savoir à la maison.
C'est qu'il est un peu jaloux son Patrick.
Un jour il l'a même poursuivie dans la maison avec une facture téléphonique à la main en lui demandant à qui appartenait ce numéro qu'elle appelle quand il n'est pas là jusqu’à ce qu'il se rende compte que c’était le sien.

Que voulez-vous, quand votre mari est un homme très vieille école on n'a pas trop le choix.
Et quand je vous dis qu'il est vieille école, je mâche mes mots, il est carrément resté dans les années 60.
Si vous l'écoutiez parler... Pour lui c'est l'homme qui doit mettre le pain sur la table et la femme s'occuper du ménage.
A ce propos, le seul truc pour lequel elle aurait réellement besoin de son aide c'est pour faire les courses mais il préfère de loin passer son samedi à la pêche.
Bien sûr Lisa pourrait aussi se faire livrer ses courses comme Madame Ann, la voisine d'en face.
Elle l'observe souvent à travers les rideaux de sa fenêtre prendre plaisir à donner son pourboire dans sa chambre à coucher au jeune livreur.
Sans d'autres moyens, elle se retrouve à faire les courses toute seule ma pauvre Lisa, soumise à son confort et au conformisme de son arriéré de mari.

En passant dans les couloirs du centre commercial, elle s’arrête devant la vitrine de cette nouvelle boutique. Non, pas celle qui vend des cigarettes électroniques, l'autre, juste à côté. Le magasin de lingerie coquine : "POuRNOuS CHIC".
D'abord elle hésite à rentrer mais le sourire de la vendeuse qui est plus jeune qu'elle la rassure.
Une fois à l'intérieur, elle est forcée d'admettre que cela ne ressemble pas à l'idée qu'elle se faisait de ce genre d'endroit, ce n'est pas un sex-shop pour libidineux, rempli de poupées gonflables et de magazines pornos.
Au lieu de ça, c'est de la lingerie et des bijoux qu'elle découvre dans les allées de la boutique, des parures de charme..  La vendeuse lui conseille d'en essayer mais notre Lisa n'oserait pas et puis qu'en penserait son mari?!
Finalement elle craque sur un ensemble soutien-gorge culotte et c'est en passant à la caisse qu'elle découvre dans la vitrine comptoir un objet qui attire son attention.
Alors que la vendeuse l'encaisse et lui tend le lecteur de carte bancaire son regard est focalisé sur l'accessoire en plastique de forme phallique brillant, comme absorbé.
La vendeuse ayant remarqué l'attirance de sa cliente pour le sex-toy, le sort de la vitrine pour le lui présenter et propose même une remise sur son prix.
Les joues de Lisa rougissent. La vendeuse sûrement sensible à sa réaction quelque peu juvénile, dépose l'objet dans son sac en lui adressant un clin d’œil complice.
Troublée, en partant notre femme au foyer en oublie sa carte dans le lecteur. La vendeuse la rattrape en lui tendant sa carte que Lisa prend sans oser la regarder.

Sans même avoir fait ses courses, ce pourquoi elle était initialement venue dans la zone commerciale, Lisa repart chez elle, son petit sac en plastique dorée à la main.
Petit sac en plastique opaque pour ne pas que l'on devine ce qu'il contient, que son militaire de mari ne voit cela.
Même s'il est bien loin de pouvoir le faire, a des kilomètres de là en mission dans une contrée hostile, à discuter avec Serge son Sergent (ça ne s'invente pas, imaginez quel aurait été son prénom s'il était colonel!).
Un grand moustachu à la coupe aussi carrée que ses épaules, raconte qu'il lui arrive souvent d'entendre des tas d'histoires de militaires revenant de mission trouvant leur femme au lit avec un autre ou pire les serrures de la porte changées à leur retour.
"C'est ce qui s’appelle revenir en héros" commente son sergent avant d'ajouter à l'attention de Patrick "si tu veux un bon conseil, fais lui des gosses c'est ce qu'on fait tous".
Pendant ce temps, en son absence sa femme redécouvre le plaisir de rester au lit, des grasses matinées et des longues siestes.

Le brave soldat revient enfin du front, avec pour sa femme un cadeau, une statuette de bois représentant un guerrier Kanak en érection. En somme une représentation de son alter ego aborigène.
Toute contente elle l'embrasse tendrement, mais à peine a-t-elle le temps de savourer ses retrouvailles qu'elle se retrouve allongée sur le lit les vêtements partiellement arrachés.
Elle se débat gentiment d'abord puis tombe à genoux par terre, se retrouvant ainsi la tête entre les jambes de son mari. Il en profite alors pour lui maintenir la tête vers le bas.
"Femme au foyer, femme à bibelots, femme à objets si vous voulez mais pas femme-objet! Ah, ça non! Je refuse de me faire considérer comme un vulgaire trou!" pense-t-elle.
Il lui plante son doigt dans la commissure des lèvres, tire comme un hameçon pour lui faire ouvrir la bouche et y rentrer sa bite.
Lisa essaie de la garder fermée et reçoit une baffe.
Et quand vient l'idée à son mari de lui pincer le nez, cette fois ça fonctionne, celui-ci profite de la brèche. Par réflexe elle mord son cher et tendre qui est plutôt fort et dur à l'instant présent.
Elle parvient enfin à le repousser pour reprendre sa respiration.
Fou de rage, il donne des coups de poing dans le mur, se met à fouiller la chambre à coucher à la recherche d'un amant. Il commence par son armoire, puis sous le lit. Heureusement pour Lisa, elle avait caché son godemichet, son jouet-pour-adulte, son sex-toy, son Don Juan d’Autriche, son dildo si vous êtes canadien.
Hélas la seule chose qu'elle ne parvient à cacher c'est son air épanouie, les couleurs retrouvées sur son visage, cette lueur espiègle qui illumine son regard et ça le rend encore plus suspicieux, imaginez!
Les larmes aux yeux, elle réalise avec une certaine malice qu'elle a bien fait de cacher l'objet de sa jouissance dans le seul endroit où il ne pénètrera jamais : sa cuisine.
En son fort intérieur elle pense: "et lui qui ne sait pas ce que je fais maintenant quand il me dit de retourner à mes casseroles".