lundi 1 mai 2017

Clémence

Clémence 

Ma petite Clémence, tu étais une fille ambitieuse jusqu'à aujourd'hui : des heures supp non payées à n'en plus finir, une rigueur et ponctualité à faire pâlir un horloger suisse, une tenue toujours impeccable assorti d'un sourire charmeur en toutes circonstances.
Et cela ne t'as pas toujours était bénéfique...car plus tu deviens compétente plus tu es indispensable et moins tu es considérée.
Ma bonne poire, à trop en faire cela te dessert.
Bienvenue dans le monde impitoyable du travail.
Pauvre Clémence, toi qui voulais juste être professionnelle.
Oui, il faut bien que quelqu'un s’apitoie sur ton sort et qui d'autres le ferait mieux que toi ?
Ne dit-on pas le travail est toujours mieux fait que par soit même?
Et au final tu as fait tout ça pour quoi ? La reconnaissance. Pour qui ? Un patron aussi ingrat que radin.
D'ailleurs, de lui parlons en...ce matin il a eu le toupet de te convoquer dans son bureau pour te présenter ta nouvelle chef.
Tu sais celle qui vient d'arriver et qui t'a piqué ta promotion.
Ce poste de responsable que tu attendais depuis si longtemps et qui ne viendra jamais.
Tout ça parce que ton boss sait aussi bien que toi que tu n'osera pas le lâcher, et encore moins saboter ton travail.
Ah ça non, tu es bien trop consciencieuse.
Pour cela tu peux t'auto-féliciter! Bravo, tu as tout gagné ma grande!
Enfin bon c'est normal d'être déçu, tu as manqué de cynisme et dans ce monde il en faut.
Regardes, plus tu es pourris mieux tu es servis, cette pouffiasse qui ne comprends rien au boulot et qui ne doit son job qu'a la mini jupe qu'elle a osé porter à son entretien d'embauche. Non mais sérieusement, qui fait ça ?
Si toute fois tu avais encore un doute, sur le bien fonder de ce monologue intérieur il te suffis de penser à ton ex.
Rappelles toi ce salaud qui t'as trompé avec la moitié de l'immeuble. Il a même essayé avec tes copines.
Là dernière fois que tu l'as croisé il roulait en Porsche Cayenne avec son heureuse petite famille. Deux enfants, appelés avec les prénoms que vous aviez choisis ensemble avant même que cette pouffiasse ne te le pique.
Si il y a bien une chose à retenir c'est que pour réussir soit tu fais la pute soit la cassos.
Bref, tout ça pour dire que tu as besoin de repos, de faire un break, de prendre du temps rien que pour toi, sinon c'est le burnout assuré!
Et tu le sais très bien avec les soldes qui arrivent précédés des sempiternelles ventes privés pas la peine de demander à pauser des vacances ou même un jour ou deux, la réponse tu la connais ce sera négatif!
Reste qu'à faire la cassos, puisque t'es congés seront refusés autant te faire porter pale.
La vrai question c'est : vaut-il mieux simuler ou faire en sorte de vraiment tomber malade ?
Envisageons toutes les possibilités : embrasser des gosses dans une crèche ; lécher la cuvette des toilettes d'une aire d'autoroute ; sucer un clodo ; (Est ce que cela ferait il de moi une pute même si celui-ci est dans l'incapacité de me payer?!) manger un kebab ;
En effet tout cela n'est pas très engageant surtout pour une hypocondriaque comme toi.
Tu devrais plutôt opter pour la simulation, entre nous ce n'est pas comme si tu n'avais jamais pratiqué cet art subtil. C'est même avec un certain talent que tu t'y adonnée avec ton ex.
Là ce sera différent, c'est un médecin que tu vas devoir tromper, un spécialiste, quelqu'un qui se base sur des phénomènes physiques et pas seulement sur tes dires.
Il est loin le temps ou il te suffisait de mettre le thermomètre en contact avec une ampoule chaude pour faire croire à ta mère que tu avais de la fièvre pour ne pas aller à l'école.
Quand il te demanderas la raison pour laquelle tu as prise rendez vous tu lui répondra que depuis hier soir tu as des nausées, que des crampes abdominales ton empêcher de dormir et fait vomir 3 fois.
Bon et si vraiment tu veux être sûre d'être convaincante pourquoi ne pas lui parler de tes diarrhées?
N'oublie pas de venir à jeun, aspire de l'air en grande bouffées suffocantes pour faire des rots de vomis, en plus de te donner une haleine nauséabonde cela fera aussi pleurer tes yeux. Bien sur, viens sans t'avoir brosser les dents sinon cela annulerait tout l'effet.

Petites astuces de grand-mère : (bien que grand mère n'ai pas eu à faire cela, elle n'avait pas le droit de travailler à son époque)
Celle-ci tu l'as trouvé sur internet (il y a tout sur internet sauf un mec pour toi)
- Pour un teint pâle : utilise de l'anticerne vert que tu étales sur ton front et tes joues et n'oublie pas de faire le cou. N'abuses pas du subterfuge sinon cela sera flagrant.
- Pour des yeux larmoyants : appliques une petite quantité de dentifrice sur tes paupières inférieures pendant environ trois minutes pour avoir la sensation que tes yeux brûlent.
C'est marrant toute cette préparation pour 3 fois rien, tu ne vas quand même pas faire le casse du siècle.

Pour les arrêt maladies les tarifs sont les suivants :
- une Gastro : de 2 à 3 jours
- un mal de dos : 7 jours mais dans ce cas là impossible de justifier le fait de sortir de chez soit.
- pour dépression : de 3 semaines et jusqu'à 1 mois dans ce cas là j'ai peur de ne pas être aussi bonne actrice.
Rester raisonnable, c'est ce que tu as choisi en optant pour la gastro.
La porte de la salle d'attente s'ouvre, le médecin dans son ensemble classique blouse blanche lunette sur le nez, couronné par sa calvitie appelle ton prénom et t'invite à le rejoindre.
Sorti de ta somnolence que tu feignais la tête appuyée sur ta main, tu avance lentement et avec difficulté jusqu'à son cabinet.
Il s'installe au siège derrière son bureau, tu t'assoie en face de lui et là commence ta plaidoirie. Que le spectacle commence!
Ton speech parfaitement roder grâce à tes nombreuses répétitions préalable devant le miroir te permet de passer à l'étape suivante : l’auscultation.
Et là, comme étourdie, tu te lève lentement de ton fauteuil, chancelante, une main appuyé sur son bureau pour t'aider à garder l'équilibre.
Tu te diriges à petits pas vers le lit médical bordé de papier saupalun, enlèves les 3 couches de vêtement pour te donner chaud et rendre ta peau moite de sueur et simuler la fièvre.
Soudain, tes épaules se hausses, comme si tu étais parcouru par un frisson et c'est la tout le but.
Il passe le bout métallique et froid de son stéthoscope sur ta poitrine et dans ton dos, s'arrête, écoute dans son appareil, te demande de respirer plus fort puis le retire.
Tandis qu'il retourne à son bureau pour rédiger une ordonnance, tu te rhabilles, lentement. Toujours.
Une fois qu'il te remet l’arrêt de travail retiens toi de sourire, fais-le intérieurement à la place tu hoches la tête, dis merci docteur et le tour est joué!
Mais contre toute attente, celui-ci te donnes une deuxième ordonnance, sur un ton qui se veut être rassurant mais qui cache mal son inquiétude celui-ci te conseille de faire des examens complémentaires plus poussés avant de reprendre le travail et de revenir le voir car cela pourrait être plus grave qu'il n'y parait.
Sur le coup, tu crois à une blague, il te fait marcher c'est certain, sauf que lui a l'air meilleur acteur que toi.
Tu as envie d'avouer la supercherie, lui dire que tout ça n'était que de la comédie dans le seul but de te faire prescrire un arrêt maladie.
Seulement voilà, tu es prise au piège de ton propre mensonge, dans les rouages d'un engrenage qui est hors de ton contrôle.

"Écoutes, tu n'as pas à t'inquiéter. Tu viens de mettre un pied dans la trentaine! Tu es un peu fatiguée voila tout! Et tu va avoir quelques jours de repos bien mérité! Youpie!"
En rentrant chez toi, tu jubiles du tour que tu as brillamment orchestré mais la saveur de la victoire à comme un arrière gout amer et rance.
Fais toi couler un bain ma grande, sers toi un grand verre de vin rouge et détends toi. Profites du moment.
A toi la grasse mâtiné et 3 journées entière à te goinfrer de chocolat en matant des séries, tout en trainant sur Tinder.
D'ailleurs, ça fait un moment que tu n'as pas eu de match.
En même temps toutes tes affinités sont inactives depuis un moment, à croire qu'ils ont trouvé ce qu'ils cherchaient et quand tu fais une recherche de nouvelle personnes à proximité, rien n'apparait comme si tu étais au beau milieu d'un désert ou de la Creuse.
Ici, personnes ne vous entendra pleurer.
Tout bien considéré, la fin du film Alien le huitième passager où Helen Ripley se retrouve seule a dériver dans l'espace avec son chaton ça te ressemble tellement.
En même temps, tu ne peux t'en prendre qu'à toi même ta description n'est pas très ragoutante et tes photos...
Que dires de tes cheveux aux fourches sèches (tu devrais retourner chez le coiffeur si tu n'en avais pas une peur panique) ton acné juvénile qui te poursuit à bientôt la trentaine (la dermato appelle ça une rosée moi j'appelle ça se faire baiser!) tes cernes qui trahissent quand même ton age (une momie adolescente?), tes hanches de femmes enceinte (on dirait que tu viens d'avoir des quadruplés!) et ton menton de dindon.
Soyons honnêtes tu n'es plus de première fraicheur.
Avec pas moins 6237 femmes en île de France pour seulement 5837 hommes, tu n'es plus dans la course.

Deux jours entier à trainasser en pyjama et te goinfrer devant des séries. Un seul constat s'impose : on se fait chier à la maison.
Tu sais quoi ? T'aurais du tenter la dépression, au moins comme ça tu serais partie en vacances.
Dommage que tu aies trop peur de l'avion...et puis si l'inspection de la secu passais te voir tu étais mal.
Quel vie de merde, c'est ce que tu pense et tu t'ennuie tellement que que tu te suiciderais bien si tu n'étais pas aussi lâche.
Oui, tu as raison reste raisonnable. Il ne faudrait pas abusé de la situation.

Depuis que tu avais vu ton médecin, tu ne parvenais plus à avoir l'esprit tranquille, tu y pensais sans cesse.
Et si il disait vrai ? Si le pire scénario se réalisait?
Toi qui ne tombe jamais malade, qui ne va chez le médecin qu'une fois par an, ce serait le comble de l'ironie, ce serait totalement insensé.
Toute cette attente de tes résultats du laboratoire d'analyse pour qu'une fois que tu les aies sous les yeux, tu ne parviennes à les décrypter.
Ce ne sont que des termes médicaux et des chiffres qui échappes à ta logique.
Heureusement la secrétaire de ton médecin t'appela pour te demander de venir au cabinet.
Comme d'habitude ce cher docteur t'ouvrit la porte mais cette fois il dégagea un siège et te conseilla de t'assoir.
Il avait ce sourire gêné accompagné de ce regards fuyant qui te rappelais celui de ton ex, le jour où il t'as largué.
Et quand il a enlevé ses lunettes et croiser ses doigts, là à ce moment précis tu as compris que cela ne présageais rien de bon.
"Les résultats indique que vous êtes très probablement atteintes de la Myofascite à macrophages.
Bla bla bla...C'est une maladie dégénérative très rare, il n'y a que seulement 1000 cas connu en France. Mais ne vous inquiétez pas...bla bla bla" T'as-t-il dit dans un flot de paroles voulant noyer tes sanglots.
A l'entendre, avec son ton complétement détaché, lisant les analyses d'un air serein on pourrait penser que cela concerne un autre patient, qui serait dans une autre pièce.
Il continua de lire tes analyses d'un air serein face à toi, ignorant ta stupéfaction comme si tu étais déjà morte et enterrée.
Ton sang bouillonna dans tes veines jusqu'à embuer tes yeux, des torrents d'insultes se déversèrent dans ton esprit sans parvenir à franchir le barrage de tes lèvres sellés par la bienséance.
C'est à ce moment précis que ta vie bascula, tout te revint en pleine gueule, comme submergée par une grosse vague émotionnelle.
Un tsunami de regret dans lequel tu te noya.
Toutes ses séries que tu ne verras pas entière, tout ses livres que tu ne pourra lire, le mari, les enfants et le chien que tu n'auras pas, de même que la mignonne petite maison en banlieue et les vacances à la Baule.
Et que vont devenir ta collection de mug et de vernis à ongle???
Si jusqu'à maintenant tu n'avais pas vécu en touriste de propre vie, allant jusqu'à même te parler comme une personnes extérieure, tu n'aurais pas de regret.
Je le savais le temps m'étais compté (et que je le veuille ou non) désormais je ne pourrais plus conjuguer ma vie au futur, ni même au conditionnel mais seulement au subjonctif présent.
A moins que je me ressaisisse.
Oui, je prend ma vie en main, je fait ce que je veux. Ici et maintenant, je ne suis plus sage, ni gentille, fini la bobonne de service.
Marre de répondre aux désirs des autres sans jamais être à l’écoute des miens.
Si demain...Je veux faire avant :

- Emprunter à plein d'organisme bancaire pour des crédits à la consommation le plus possible.
Je pousse mon chariot rempli à ras bord des allées jusqu'aux caisses sans visibilités, le monticule de gadgets et de vêtements s'élève au dessus de moi.

- Faire du shopping dans l'avenue Montaigne.
C'était la suite logique non?

- Remplir mon frigo uniquement avec du chocolat et du vin rouge.
Le livreur de Nicolas et Léonidas ont halluciné sur les quantités, ils m'ont même fait un prix de gros!

- Regarder tout ses putains de films dont tout le monde parlent tout le temps!
The Fountain, American Psycho, The machinist, Usual Suspects, The Game, L.A Confidential...
C'est vraiment comme ça que je compte passer mes derniers jours ? En me goinfrant devant des films dans mon canapé?!

- Mettre une tenue que j'ai acheté et n'ai jamais osé porter.
Toutes ses paires de talons qui prennent la poussière dans mon placard, ses robes sous cellophane dans mon armoire qui portent encore l'étiquette du prix et que je n'ai jamais mis.
Pourquoi ? Par manque de confiance en moi très certainement.

- Se bourrer la gueule, rentrer en boite seule et ressortir accompagnée.
Ou scénario alternatif : se bourrer la gueule, se faire refouler d'une boîte minable, se faire ramasser par les flics, finir en cellule de dégrisement.
Arrivée un peu pompette mais suffisamment parfumée pour ne pas attirer les soupçons du videur.
Et puis dans cette tenue, il m'aurait quand même laissé rentrer quoiqu'il arrive.  Ce soir je suis trop bonne! Oui, l'alcool aide beaucoup à améliorer mon estime personnelle.
La boite est remplie...de gens du boulot. C'est le dernier endroit où j'aurais voulu me retrouver avec eux.
Je ne peux les tenir à l'écart bien longtemps avec leurs regards compatissants, leurs tapent sur l'épaule et pour les plus hypocrites le câlin.
1 semaine d’arrêt maladie c'est normal, 2 encore acceptable mais au bout de plus de 3 semaines tout le monde se fait une idée très claire de ton état.
Avant je n'aurais pas oser boire autant devant eux alors que je suis en congés maladie et surtout en sachant que mes moindres faits et geste lors de cette soirée sont épiés, rapportés et critiqués.
Maintenant de tout ça, je m'en fou.
C'est peut être la dernière fois que je les vois, qui sait.
Je vais au comptoir pour me faire payer un verre par une connaissance de travail qui m'as pris en pitié quand je tombe nez à nez avec Thomas.
Thomas, c'est mon crush depuis un moment déjà. Il bossait dans la galerie marchande, le magasin de lunette en face de ma boutique.
On se voyait tout les matins, on se faisait un coucou pudique de la main sans jamais oser s'approcher ou s'adresser la parole, juste du contact visuel rien de plus.
"Salut Clémence, ça va?" Il connais mon prénom, j'en déduis qu'il s'est renseigné sur moi auprès de nos relations communes.
C'est bon, je me lance, m'avance vers lui et prends mon courage à deux mains que je lui enserre autours du cou pour lui faire la bise. Rien à perdre et plus rien à espérer.
"Ça fait un moment que je t'ai pas croisé au magasin!" me lance-t-il par dessus le son de la musique et je lui réponds que "j'étais en vacances!".
A mon teint pale il s'interroge et je le devance en ajoutant "à Oslo, c'est superbe." 
Sans jamais se lâcher du regard on continue de siroter nos verres, il m'en paie un autre, on danse, on boit, on fume des clopes jusqu'au matin.
Et quand je regarde mon téléphone pour commander un Uber, Thomas me propose de me ramener.
Devant chez moi on s'embrasse et bien que j'aimerais le faire monter avec moi il suffit que je pense une seconde à tout le bordel que j'ai laissé dans l'appartement pour oublier cette option.
Afin de ne pas le frustrer de trop, je l'embrasse sensuellement et tout gentleman (patient et compréhensif) qu'il est, repart avec la promesse de me revoir le soir.
Et c'est ce que nous faisons et tout se passe à merveille, le sexe, les discussions et les fou rires entre chaque rapports et même la nuit, endormi l'un contre l'autre.
Je poursuis ma liste :

- Faire mon baptême de l'air et du saut en parachute.
Après mette envoyer en l'air je n'ai plus le vertige maintenant, j'affronte mes peurs. Et puis si il s'écrase, j'ai mon parachute! Et puis si mon parachute ne s'ouvre pas?!
Trop tard, l'instructeur m'a déjà envoyé par dessus bord sans prévenir. C'est un peu une métaphore de ma vie, de mon état de santé.
Vu du ciel, tout est si petit et c'est étrange comme la descente semble rapide et lente à la fois.
Dans notre chute nous traversons les nuages, nos corps secoués par le vent quand d'un coup nous planons paisiblement et je ne peux m’empêcher de penser à l'éventualité d'une place pour moi là haut.
Sur la terre ferme, bien que ravi je sens que l'expérience m'a éprouver physiquement.
Je ne saurais dire si c'est le choc du changement d'altitude, l'enchainement de soirées arrosées sans beaucoup d'heures de sommeil ou les symptômes clinique de la maladie qui s'accentue sous l'effet de tout ça.
Assailli de douleurs musculaires et articulaire, fiévreuse et barbouillée.
Je me sent toute faible d'un seul coup, à la limite du malaise vagal, mes sens se troublent. La dernière pensée que j'arrive à formuler dans mon esprit et la suivante : "je dois voir le médecin" et puis soudain le trou noir.
Quand je me réveille je suis dans un camion de pompier en direction de l’hôpital.
Monter à l’intérieur de l'un de ses engins, j'en avais toujours secrètement rêver mais ce n'était pas sur ma liste.
A l’hôpital un médecin des urgences m’ausculte tandis que je lui explique ma situation.
Dés le lendemain, j'ai rendez-vous avec un spécialiste. Le docteur
Celui-ci m'explique que la maladie passe par 3 stade :
Le premier étant appelé « de précarité » qui associe des troubles physiques et neurocognitifs invalidants, le deuxième un état « de décharge » ou d'incapacité fonctionnelle totale par perte de l’éveil et le troisième et dernier l'état « de grâce », une bouffée de rémission proche de l’état sain.
Suite à quoi il me fait un court monologue pour en venir au fait que cette maladie est actuellement incurable mais...et il y a toujours un "mais", il existe un traitement expérimental qui est actuellement à l'étude auquel il me propose de participer.
Bien entendu, rien de tout ça n'est gratuit et si les résultats ne sont pas garantis ils sont selon lui très encourageant.
La question qui se pose à moi maintenant est la suivante : A quoi bon me rajouter plus de médicaments que je n'en prends déjà en sachant pertinemment qu'ils ne vont pas me guérir?
Car je ne suis pas dupes, je sais comment ça se passe ces phases de test médicamenteux.
Au mieux ce sont des placebos, au pire ils développent des effets secondaires indésirables ou comment finir plus mal que je ne le suis déjà.
Je ne vois pas l’intérêt, pas me concernant en tout cas, il est seulement celui des firmes pharmaceutique de m'utiliser comme cobaye non rémunéré. L'exploitation de la détresse et du désespoir des plus misérables.
Aussi, je pourrais me dire que je n'ai rien à perdre mais en fait si, le temps m'est compté et c'est pour ça qu'il faut que je continue ma liste :

- Se faire tatouer.
Je choisi un motif plutôt original, quoique morbide, ma date de naissance et de mort, mon épitaphe quoi.
Il est situé dans le haut de mon dos, prés de la nuque, caché par mes cheveux.
Par contre il faudra éviter la levrette avec Thomas.
Mince! je n'y avais pas pensée, je le vois demain...Comment vais je faire pour cacher ça?!
J'ai une idée, consulte la suite de la liste ma grande!

- Faire de nouvelles expérience sexuelle : le jeux SM.
Revêtue d'une combinaison latex, je l'attends sur mon canapé.
Intrigué quoique surpris, il se prend au jeu et nous baisons sur fond de musique techno industrielle.

- Se faire dire la bonne aventure, tirer les cartes, prédire l'avenir dans le mar de café par une medium :
"Je vois un futur radieux, oh vous allez avoir une belle et longue vie." Sans déconner, genre, sérieusement ? Elle se fout de moi, c'est ça ?
J'aimerais la payer avec des faux billets si je le pouvais, elle n'y verrait rien avec ses lunettes à triples foyer. Le comble pour une voyante!

- Diner dans un restaurant 5 étoiles.
Je donne rendez-vous à mes 3 meilleures copines et à Thomas (étrangement pour lui c'est moi qui invite) au restaurant gastronomique étoilés, la Cascade dans le 16eme arrondissement.
Après de rapide présentation de Thomas à mes copines, nous prenons place sur les chaises aux dossiers de velours dans ce décors historique, sous les dorures et moulures des hauts plafonds, à la lueurs des lustres de cristal et des chandeliers qui partout se reflète dans les miroirs de ce pavillon somptueux du Second Empire.
Le serveur vient prendre notre commande, accompagné du sommelier qui débouche une bouteille de champagne avant d'en remplir les flutes de cristal et de l'a déposé dans le sceau en argent.
Et je lève mon verre pour porter un toast et rien ne vient, je voulais leur révéler ma maladie, la vrai raison de leur présence ici avec moi mais je suis incapable de le faire en regardant leur mines réjouies s'attendant certainement à une bonne nouvelle.
"Clémence??? Tu voulais nous annoncer quelque chose? Pourquoi nous as tu réunis ce soir?"
A cet instant précis je me dis en mon fort intérieur que j'aurais certainement dû choisir un autre restaurant, la tour d'argent ou le Jules Verne par exemple au moins j'aurais pu me jeter du haut du 2eme étage de la tour Eiffel
Manon donne un coup de coude à Charlotte qui vient de prendre la parole en ajoutant "Oui, je pense que c'est pour nous présenter Thomas..."
Déstabilisée, je ne trouves qu'a bafouiller "Aussi, oui, oui, enfin non, non mais voila...j'ai...j'ai..."
"Tu as ????" ajoute Charlotte en avançant le menton, le coup tendu en avant.
Inspirant profondément je réponds "J'ai...gagné au loto."
"Je suis tellement contente pour toi!!!" s’esclaffent Manon et Zoé!
Charlotte visiblement peu convaincu par mon annonce fait mine d'être heureuse pour moi et se mue (je la connais si bien) dans un silence suspicieux.
Avant de quitter le restaurant, nous sortons fumer sur la terrasse.
Je demande une cigarette à Manon, qui bien qu'hésitante me la donne quand même. Ma santé et le cadet de mes soucis maintenant que mes jours sont comptés.
Incrédule Charlotte m'interroge "c'est quoi ce tatouage que tu veux pas nous montrer? Et depuis quand tu t'es mise à fumer? Qu'est ce qui t'arrive Clémence? Tu nous caches quelques chose?!
"Tu ne peux pas te contenter d'être heureuse pour moi ? Il faut toujours que tu sois jalouse, c'est dingue ça quand même!" je rétorque une dernière fois avant de lui dire au revoir froidement en réfrénant mon envie de pleurer.

- Jeter une bouteille à la mer.
Ivre et mélancolique je me pose sur les quais avec une bouteille de champagne à la main.
Je bois au goulot et m'en renverse la moitié dessus.
Thomas m’enlace, me couvre les épaules avec son manteau.
Sur un petit bout de papier qui trainait dans mon sac à main j'écris "à l'aide" en fredonnant les paroles d'une chanson de Balavoine (j'aurais pu penser à la chanson de Police mais ne connaissais pas les paroles) puis introduit le message de détresse dans la bouteille de verre que je referme et jette dans la Seine.
Maintenant je suis trop ivre pour bouger un petit doigt, pour éviter que ma tête ne tourne je ferme les yeux jusqu'à m'assoupir dans ses bras.

- Dormir sur une plage.
Avec Paris plage ça marche quand même non ?

- Un baiser romantique sous la pluie.
Une goute me tombe sur le front, une deuxième dans le coup, une autre sur le poignet comme des baisers déposés par les dieux.
Thomas me soulève à bout de bras, me porte pour me mettre à l’abri et de mes mains je penche son visage sur le mien et l'embrasse les yeux mis clos, tout deux transportés dans une scène de cinéma dont nous sommes les héros.
Je le sais ce sera nos adieux, je n'ai pas la force de lui dire alors je lui fait comprendre corporellement.

- Tomber amoureuse

- Aller à las Vegas

- Se marier

Je commence à m'attacher à lui et lui aussi, nous n'avons pas d'avenir ensemble. Il faut que je prenne de la distance au sens propre comme figuré.

- Voyager dans un pays étranger : destination le Pérou!
Pourquoi ? Pourquoi pas tiens!
A peine arrivé à Lima que je suis déjà malade.
Je ne serais dire si c'est encore un symptômes de la maladie ou la tourista mais je suis cloué au lit.
Incapable de quoique ce soit, je suis dans un état végétatif, de somnolence quasi permanent.
Pour moi le séjour se résumera aux allez retour entre le lit et les toilettes dans la chambre d’hôtel.

- Escalader une montagne : Mucha Picchu
Retour aux pays, ça évitera à ce qu'on fasse rapatrier ma dépouille car je le sais la fin approche...
En cherchant rapidement de l'inspiration sur internet, j'ai tapé bucket list, to do list et things to do before dying.
C'est dingue le nombre de résultats que j'ai obtenue, bon c'est sur des gens qui meurent y en tout les jours et c'est pas ça qui manque mais quand même.
Adopter un chien à la SPA (et qui va s'en occuper après?!), manger un truc que tu n'aimes pas (ben voyons, et pourquoi pas une tarte au caca non?),
donner ton sang (si je suis mourante/atteinte d'une maladie incurable c'est pas très malin), se faire enfermer dans un caisson d'isolation sensorielle (pourquoi le cercueil avant l'heure fatidique!).

- Se faire un lavement : (en prévision du décès, c'est jamais trop classe de se chier dessus en mourant)

Pour ne pas reproduire l'épisode de la tourista au Pérou!
Je me sens libre, soulager d'un poids, parce que je sais que je vais partir, quand et comment. Ne laissons pas durer le suspense plus longtemps...je vais me pendre.

- Jouer tout son argent en Bourse et tout perdre.

Je lègue mes dettes à mon banquier.

- S'excuser pour ses erreurs et dire aux êtres chers qu'on les aimes.
J'appelle ma mère, étant à moitié sourde je suis certaine qu'elle ne répondra pas au premier appel.
Ensuite c'est au tour de mes amies je profite pour les appeler pendant qu'elle travaille afin de tomber directement sur leurs répondeurs.
Puis, celui que je redoute le plus, le numéros de Thomas.
La voix tremblotante et l'esprit embrumé j'enregistre mon message d'adieu sur son répondeur.
Non sans peine je lui fait par de mes sentiments, de mes rêves avortés, toutes ces choses que j'aurais aimé partager avec lui qui seront à jamais des regrets. Nous nous sommes connus trop tard, je suis partie trop tôt.
Et il reste encore une personne que j'aimerai prévenir : mon patron, que je j'invite copieusement à aller se faire enculer par un régiment de lépreux sidaïque.

- Se déconnecter des réseaux sociaux et de son téléphone pendant 24h.
Tout arrêter pour apprécier les petites choses de la vie.
La tête toujours baisser vers cet écran je relève enfin les yeux vers le ciel.

- Regarder les étoiles.
En général, sous le ciel parisien on a pas souvent la chance de le faire à cause de l'éclairage urbain et de la pollution.
Je me surprend à prier, cela ne me ressemble pas et peut être que c'est la certitude de ma mort prochaine qui motive cet élan spirituel.
On sait pourquoi les églises sont remplies de personnes âgées.

- Regarder le levé du jour.
Éblouie par le crépuscule, émerveillé par la vue que m'offre les toits parisiens sur cette ville qui s'éveille.
Je ne peux m’empêcher de rallumer mon téléphone, une dernière fois.
D'abord pour prendre une photo. Pourquoi? Je ne sais pas. Après tout je ne pourrais pas la re-regarder plus tard. Voila un bien étrange réflexe qui me reste de mon ancienne vie.
L'écran affiche 4 messages en attente sur mon répondeur que je n'écouterais pas tout de suite, je dois d'abord me préparer.

- Rester éveillé 24h.
Malgré cette nuit blanche sans dormir je me sens en pleine forme.
J'en oublierais presque ma maladie et la semaine dernière.
Surement est-ce l'état de grâce précédent la mort qu'évoquait le médecin, cela veut dire aussi qu'il ne me reste que peu de temps pour...

- Choisir ma mort.
En tirant la corde pour tester sa résistance je me rappelle que c'est justement les poutres apparentes qui m'avait séduite en premier lieu lors de la visite de l'appartement.
Les pieds sur le dossier de  la chaise, j'enfile la corde autours de mon cou, active la fonction bluetooth de mon téléphone, compose le numéros du répondeur et met le son a fond.
Pour ne pas regretter et m’empêcher de mettre un terme à ce que je m’apprête de faire, je balance le téléphone sur le canapé, de façon à ce qu'il me soit hors de porté.
Allez, courage.
Je dois me rappeler que j'ai cette chance d'avoir le choix que d'autres n'ont pas.
La voix pré-enregistré de la messagerie retentit.
D'abord c'est ma mère que j'entends, sa voix aimante chargé d’inquiétude à croire que l'alarme de son instinct maternel s'était déclenché, qui me demande de la rappeler au plus vite.
En deuxième ce sont mes meilleures amies, Charlotte, Manon et Zoé qui toutes les trois me proposent de passer me voir et de se faire une soirée pyjama, prétexte habile pour s'assurer que je ne fasse pas une bêtise.
Le message de Thomas est un véritable crève cœur, il me fait une déclaration d'amour larmoyante ou je ne peux m’empêcher de pleurer avec lui.
Cela me donne la force nécessaire pour passer à l'acte alors que le quatrième et dernier message commence...
"Bonjour mademoiselle Padilla,"
je m'attend a ce qu'il s'agisse de mon patron, histoire de me conforter un peu plus dans mon choix mais à ma plus grande surprise je ne reconnais pas sa voix et cela viens se confirmer par ce que j'entends là :
"C'est le docteur Youness, je vous appelle pour vous annoncer une nouvelle qui devrait je pense vous réjouir.
Évidemment j'aurais préféré vous donner rendez-vous mais comme il est important que vous le sachiez au plus vite, je ne fais durer le suspens plus longtemps.
Il semblerait que vos résultats d'analyse aient été malencontreusement échangé avec celui d'une autre patiente en d'autres termes vous êtes en parfaite santé.
Dans notre jargon on appelle ça la Clémence médicale." dit il avec un sourire perceptible même à travers le téléphone avant de reprendre "Je vous laisse contacter mon cabinet pour effectuer une nouveau examen afin de confirmer tout cela. Bonne journée mademoiselle Padilla."
Abasourdie, autant par ce rebondissement que par l’afflux sanguin dans ma tête augmentant sous la pression qu'exerce la corde serré sur mon cou.
J'essaie alors de me décrocher tant bien que mal, tâtonnant dans le vide du bout des pieds, cherchant désespérément le dossier de la chaise.
En baissant le regard je vois qu'elle est tombé par terre et comprends que je ne peux rien faire, ni atteindre mon téléphone pour décrocher ni quoique ce soit pour m'accrocher.
Cette fois, je suis prise à mon propre piège.

samedi 1 avril 2017

Cruauté Ordinaire

Cruauté Ordinaire

 

Avec patience, il guette sa proie, attend que celle-ci s'isole d'elle même, échappe un instant à la vigilance de ses parents pour l'enlever.
Soudain un coup de feu retentit derrière la mère de famille, résonant entre les arbres de la foret.
Et puis un cri, des gémissements apeurés qui lui viennent comme un murmure porté par le vent.
Des supplications.
La détresse affole la mère qui mené par un sentiment viscéral perd momentanément toute lucidité devant la scène de torture qui se déroule sous ses yeux.
L'homme d'une entaille experte au niveau du front, par de violents à-coups retire la peau pour s'en faire un manteau de celui qui n'est guère plus âgé qu'un nourrisson. Dépecé vivant. Écorché vif.
A la vue de son enfant blessè, elle en oublie la présence de la palombière et accoure enragé telle une louve allant à la rescousse de son louveteau.
Nous le savons, l'instinct maternel n'est pas propre à l'humain, c'est une chose commune à toutes les espèces.
Hélas, il est trop tard quand le piège se referme sur elle, des dents métalliques sortent du sol, enserrent ses membres, transperçant sa peau jusqu'à en meurtrir sa chair.

En sifflotant tranquillement, il ramène sur son dos les trois corps. L'enfant et la mère enceinte.
Une véritable aubaine pour le tortionnaire, cela lui évitera de la farcir pour Thanksgiving.
Derrière lui il laisse une trainée de sang, remplissant sur son passage le sillons fait de traces de griffes par ses précédentes victimes, l'horrible balisage menant à son antre.
Une jolie maisonnette de campagne, au charme rustique, de laquelle s'échappe par la hotte de la cheminé un petit nuage de fumé.
Il enlève ses bottes avant de rentrer, dépose son gibier sur la table de la cuisine ou sa femme est occupée à nettoyer distraitement les légumes et l'embrasse tendrement sur le front avant de passer dans le salon.
Toute dévouée à sa tache elle ne se pose pas de question quand son tablier est maculé de sang.
La cuisine c'est pour elle un moment de relaxation quand de ses mains si fine et délicate elle coupe, découpe, éventre, évide, éviscère, égorge, étripe gracieusement les carcasses qui étaient autrefois des êtres vivant sensibles, de chair et d'esprit.
Ça pourrait très bien être des gens que vous connaissez, parents, enfants, cousins, amis, voisins ça pourrait être un des vôtres.

Elle hésitait entre deux recettes pour le repas de ce soir.
La première, façon Armoricaine incluant une cuisson par ébouillantement ou la seconde et c'est le plat préféré de son mari : la blanquette.
Pour se faire elle commence par éplucher, peler les carottes, les échalotes, hacher un oignon et les blancs de poireaux.
Ensuite elle coupe la viande en morceaux et là met dans une casserole rempli de lait maternel et la fait cuire à feu doux. Comme si elle lui donné le bain.
La cuisson au lait a pour vertu de rendre la chair du nourrisson plus onctueuse, moelleuse.
Au simple crépitement de la flamme de la gazinière, experte, elle reconnait lorsque ébullition commence.
Ensuite elle ajoute les légumes et les aromates puis laisse mijoter une heure et demie.
Afin de s'assurer de la juste cuisson de la chair, elle l'a pince entre ses doigts pour s'assurer qu'elle se désagrège aisément.
Découper un bébé en morceau et le faire cuire dans le lait de sa mère, c'est cruel et sadique pensez-vous. Cependant, Goutez-le, voyez comme c'est succulent. Un délice n'est-il-pas!
Bien sur, ce n'est pas une recette "cacher" mais dans le meurtre on est loin des considérations religieuse voyez-vous.
Elle débarrasse son plan de travail, véritable charnier et donne la carcasse sanguinolente à son chien.
La minuterie du four sonne, la ménagère passe la tête dans l'encadrement de la porte et se délecte d'un "Le diner est prêt mon chéri."
Attablé, serviette autour du coup, couverts en main il attend que le plat soit servi dans cette salle à manger à la décoration pittoresque.
Sa tapisserie aux motifs jaunis et craquelés par le temps éclairé par la lueur de la cheminé sous le regard figé par l'horreur des têtes de ses victimes empaillés accroché aux murs. Ses trophées de chasse.
Le grincement strident de ses couverts sur la faïence joue une étrange mélodie qui ne serait pas sans rappeler le thème musical d'un film d'horreur.
Il mâche généreusement, bouche ouverte, un sourire satisfait sur le visage, échangeant un regard malicieux avec son épouse.
Glouton, il pique avec sa fourchette un nouveau morceau sans avoir fini d'avaler la précédente bouchée.
Puis il tape du poing sur la table, comme cela lui arrive souvent de faire quand il trouve cela vraiment bon.
C'est pour cela que dans un premier temps sa femme ne s’inquiète pas.
Il essaie de tousser une première fois, tente d'inspirer de l'air et réalise qu'il commence à s'étouffer.
Malgré ça, elle ne réagit pas mais lève la tête dans sa direction en lui demandant si le plat n'est pas trop chaud.
Face à son incapacité à répondre elle ne comprends toujours pas qu'il est en train de suffoquer et c'est seulement lorsque celui-ci recule sur sa chaise en dénouant la serviette autours de son cou qu'elle réalise enfin ce qui est en train de se passer.
Ne suffisant pas à retrouver sa respiration il défait les boutons de sa chemise avec difficulté afin de se soulager.
Au bout de quelques secondes interminables il parvient enfin à retirer quelque chose de sa gorge, en triturant l’intérieur de sa bouche avec ses doigts, essayant certainement de se faire vomir pour expulser ce qui obstrue sa trachée.
Il en sors à sa plus grande stupeur non pas des fragments d'os ou de cartilages mais des arrêtes.
Des arrêtes de poisson, qu'il retire par dizaines et dizaines sans toutefois parvenir à extirper la totalité de ce qui se trouve coincé dans sa gorge, ni a retrouver son souffle.
Interloqué, bientôt asphyxié, le regard embué de larmes, les muscles maxillaire crispés, le teint écarlate, il dévisage sa femme qui ne trouve rien d'autre à faire que de se justifier en disant qu'elle n'a fait que suivre la recette.
La tête de l'homme bascule vers l'avant et vient heurter la table, mourant ainsi couteau et fourchette à la main sous le regard brillant de ses trophées de chasse.

A vous qui lisez ceci.
Plus la peine de détourner le regard, tourner la page ou arrêter de lire. L'idée a germé, les images se sont installées dans vos pensées.
Et maintenant que vous savez vous ne pouvez plus ignorer de quoi vous vous rendez souvent complices, parfois coupables.
Il n'est cependant pas trop tard pour vous, l'horreur est humaine.

samedi 2 avril 2016

Femme Fatale

Femme Fatale
 
Avec mon teint pale et mes longs cheveux blonds, on me demande souvent si j'ai des origines Scandinaves ou de l'Est pourtant il n'en est rien. Je trouve ça drôle, c'est souvent la deuxième question qui vient quand je rencontre quelqu'un. La première étant "est-ce que je peux te payer un verre?".
C'est d'ailleurs encore à cause de cette question que je me suis retrouvée dans une chambre d'hôtel...
L'homme qui est allongé sur le lit m'a gentiment glissé du GHB dans mon verre avec la complicité du barman.
Ce qu'il ne savait pas c'est que je l’avais vu arriver de loin et en toute connaissance de cause j'ai échangé les verres avant de trinquer avec lui. Je crois que ça l'a un peu déstabilisé sur le moment, pour ne pas dire complètement décontenancé, le pauvre garçon.

Vous savez ce qu'on dit "Les hommes proposent, les femmes disposent" et c'est bien mon cas, je choisis toujours ma cible, c'est moi qui chasse, je suis la prédatrice.
Tiens, tiens qu'est-ce que ce sera ce soir ? Je m'interroge en me peignant, basculant ma chevelure dans un sens puis dans l'autre.
Un homme marié, père de famille, politique, avocat, un pompier ou même un écrivain pourquoi pas, on verra. Toutes classes, tous profils confondus. Ils me méritent tous, me désirent tous.
Très jeune déjà, les hommes disaient de moi que plus tard je deviendrais une bombe humaine.
Sans aucun doute que c'était ma couleur de cheveux qui leur faisait dire ça.
C'est bien connu, les hommes préfèrent les blondes.
Je n'ai jamais vraiment compris, comment le simple fait d’être blonde exerce un tel magnétisme sur la gente masculine.
Peut-être que cela leur évoque la pureté ou bien le contraire, est-ce l'ambivalence de l’innocence et la perversion que l'on y prête dans les films pour adultes.
Quand on regarde en arrière - c'est ce qu'ils font toujours sur mon passage - dans les mythes de l'antiquité Vénus la déesse de l’amour était elle-même blonde.
Si on ajoute à cela ma poitrine généreuse que j'ajuste à travers mon soutien-gorge, j'incarne pour certains un symbole maternel, celui de la mère nourricière et rassurante. Tous autant qu'ils sont, descendants d’œdipe.
Il est bientôt temps pour moi de quitter la chambre, j'enfile ma robe, le tissu glissant sur mon corps comme des draps de soie.
J'aime cette robe, avec son rouge sang et son croisé dans le dos, c'est drôle en la regardant à présent elle me fait penser au ruban du sidaction. Avec elle, tous les regards vont dans ma direction, toutes ces érections à mon intention.
Pourquoi le rouge attire plus les hommes ? Les fait bander comme des taureaux dans une arène. Parce que ça leur rappelle le cul tumescent, cambré d'une guenon en rut ? Ou simplement le rougeoiement de l'intérieur d'un corps humain et de son bouton de rose.
Inconsciemment c'est le brainstorming de l'instinct sexuel, le big bande, le gyrophare rouge qui s'allume dans leur esprit et qui s'assimile aux lanternes des maisons closes, la couleur de la Saint-Valentin...tout se chamboule dans leurs esprits par la seule présence de rouge à lèvres sur les miennes.
Une dernière petite retouche maquillage et puis s'en va, sur la pointe des pieds, mes talons à la main.
Habituellement c'est eux qui quittent la chambre silencieusement aux premières lueurs du jour, sans un mot, laissant parfois sur la table juste de quoi payer un taxi.
Avec moi c'est tout l'inverse, et ça les énerve quand ils se réveillent tôt pensant me faire le coup et qu'ils se rendent compte que je les ai déjà devancés.
Le lit vide et froid de l'autre coté, se lève pour pisser et alors découvre inscrit au rouge à lèvres sur le miroir de la salle de bain que j'ai toujours le dernier mot, le mot de la fin. "Bienvenue au Club".


Ce qui m'a poussée à devenir ce que je suis aujourd'hui. Non, ce n'est pas qu'un chagrin d'amour c'est bien plus que ça.
Cela faisait deux semestres que l’on s’échangeait des regards furtifs dans l’amphithéâtre. Il se mettait toujours derrière moi. Sans aucun doute, placé à cet endroit pour mater mes fesses. Et pour son plus grand plaisir, je faisais dépasser mon string de ma jupe. S'il s'était mis devant moi, qui sait j'aurais peut être enlevé ma culotte.
Oh, vous devez penser que je suis une sacrée salope et vous avez tord.
Ce n'est pas parce que j'aime m'amuser que je suis une traînée. Pour beaucoup de mecs, une fille qui aime le sexe est forcément une fille qui ne se respecte pas, je ne suis pas d'accord...et puis vous êtes bien contents de tomber sur moi pour tromper votre copine.
J'avais demandé à une de mes amies de me le présenter, à l'époque j'étais comment dire, non pas timide mais plus introvertie que je ne le suis maintenant.
Il s'appelait Adis, étudiant espagnol d'un programme Erasmus. Avec un de ces charmes et un regard ténébreux...Hum.
Lorsque l'on a enfin fait connaissance si je puis dire, il connaissait déjà mon nom et je compris qu'il s'était lui aussi renseigné sur moi.
C'était à la fois gênant et troublant, la surprise m'avait coupé tout élan et j'avais l'impression d’être ivre, à glousser pour rien à chacun de ses mots.
Avec le recul je m'en veux tellement d'avoir était si naïve.
En quelques jours à se parler au téléphone, à échanger SMS, MMS, photo Snapchat...j'ai rapidement eu l'impression que l'on se connaissait depuis toujours et c'était là ma première erreur car ma seconde était de répondre à son invitation. Le rejoindre à une soirée organisée par Anthony, un mec de 2ème année pour la veille des vacances.


Je ne fais pas ça pour l'argent mais pour le plaisir.
Et c'est pour cette même raison que je fais le tour des casernes de militaires, bains douches, vestiaires de foot, basket, rugby et tous les sports collectifs connus ou pratiqués. Tout ce qui pue le mâle et la camaraderie.
Je ne suis pas ce que l'on appelle une groupie, ni même supportrice mais je me considère plus comme une sorte de membre du staff technique. C'est l’entraîneur qui m'a fait rentrer dans les vestiaires. Quoi qu'il en soit aujourd'hui la biscotte, c'est moi.
A genoux devant eux, le capitaine me met une claque sur les fesses et s'installe sur moi.
L'un de ses coéquipiers vient le coiffer d'un chapeau de cowboy et crie aux autres "sex rodeo" en leur tapant dans les mains, hilare.
Je comprends qu'ils me font le coup du taureau enragé quand il se penche sur moi et s’exécute.
Sa poitrine collée contre mon dos il m'enserre fermement avec ses bras et me susurre alors avec douceur "J'ai le sida chérie".
A la surprise générale j'éclate en fou rire, tout en accélérant le mouvement de mes hanches.
Je le sens qui débande carrément, sa respiration dans mon cou se fait plus lourde, il se demande sûrement ce qui cloche.
L'entraîneur arrête son chrono, procède à un changement tactique, remplace le capitaine qui donne son brassard.
Il fait rentrer un nouveau joueur, celui-ci me pilonne l'anus férocement, la tête enfouie dans un sac de sport plein d'affaires sales je commence à jouir sans retenue.
Quand je relève la tête pour respirer je surprends l'un d'entre eux en train de filmer la scène avec son téléphone. Sur le coup, je le vois qui hésite à le ranger mais quand il m’aperçoit faire un clin d’œil à la camera il comprend qu'il peut continuer à filmer sa propre mort. Ce qu'il prend pour une sex-tape n'est rien d'autre qu'un snuff film dont il est le premier rôle, la victime.
L’entraîneur qui regardait jusque-là, s'approche de moi et me demande "finis-moi" ce que je fais à coups de langue.


La soirée se passait dans une de ces grandes villas résidentielles, comme il y en a plein la banlieue Parisienne.
Évidemment la musique était à fond je pouvais l'entendre de la rue, c'est comme ça que j'avais trouvé le grand portail noir.
Sur la terrasse surplombant le jardin, une bande de garçon faisait une partie de beer pong.
A l’intérieur un DJ passait de la minimal quelconque, quand je suis passée dans le salon une fille en a embrassé une autre selon les règles du jeu de la bouteille.
En traversant le couloir, je pouvais voir que chaque pièce était remplie d'étudiants, certains que j'avais déjà entraperçu à la fac, d'autres dont les visages m'étaient inconnus.
Alors que je demandais à une fille de ma promo si elle savait ou était Adis, j'ai manqué de me faire renverser un verre sur mon décolleté par un mec complétement bourré.
Dans le brouhaha environnant de la musique et des gens bourrés elle m'a répondu qu'elle ne connaissait pas de Adis.
Quelqu'un me tapa l'épaule, je pensais que c'était un relou qui voulait me draguer (du moins tenter sa chance) et en me retournant je vis Adis, tout sourire se pencher vers moi pour me faire la bise.
Très vite gênée par le bruit pour discuter, nous sommes montés dans une chambre à l'étage.
Là nous avons fermé la porte, assis sur le lit, il a sorti un petit sachet disant que c'était de la coke et m'a demandé si j'avais un miroir dans mon sac que je lui ai donné.
Jamais 2 sans 3 comme on dit, cette fois j'ai fait l'erreur de prendre de la drogue.
A ce moment-là , je ne pouvais me douter que l'on allait partager beaucoup plus qu'un gramme de cocaïne, que nos destins seraient liés à la vie à la mort.
Il a roulé un billet de 20 et me l'a tendu pour que je sniffe avec, ce que j'ai fait.
J'avais un peu de poudre sur le sillon au dessous de mon nez, il l'a essuyé avec son index en me disant "on appelle ça le doigt de l'ange" puis m'a embrassée.
Nous avons basculé en arrière et tout a basculé à ce moment, ma vie entière.
Allongés sur ce lit, on s'est déshabillé tout en se touchant l'un l'autre.
Ça a tapé à la porte, ça chahutait dans le couloir, vous savez ce que c'est quand deux personnes se mettent à l'écart dans une chambre pendant une fête.
Et après ça je ne me rappelle de rien, blackout total. A mon réveil, j’étais toujours dans la même chambre mais pas avec les mêmes personnes, oui, j'étais avec trois garçons nus, endormis à coté de moi dont un sur un siège le pantalon sur les genoux.
En me relevant, je fus frappée de vive douleur partout sur le corps et d'une grosse migraine, la pire gueule de bois de ma vie.
Ce n'est qu'une fois chez moi, aux toilettes quand j'ai vu dans mon urine du sang et des coulures de sperme que j'ai commencé à m’inquiéter. Ce n'était pas des pertes blanches.
Je le savais déjà, mon organisme ne pouvait pas repousser de cette manière le virus comme il le ferait avec une mycose.
A l'époque j'aurais peut être pu éviter la contamination, aller à l’hôpital demander un traitement d'urgence mais je n'en avais pas connaissance. Toute cette soirée me semblait trop irréaliste, comme un mauvais rêve duquel on vient de se réveiller en espérant se rendormir pour l'oublier.


Un des mecs assis autour de moi, Tony tousse à plusieurs reprises, m’interrompant presque dans mon récit.
Je ne peux pas lui en vouloir, il vient de passer en phase terminale, son système immunitaire l'a abandonné tout comme sa famille, son avenir et tout espoir.
Parfois je me demande pourquoi je raconte tout ça ici, à ces gens, peut-être parce que je sais que quelque part ils me comprennent, ne me jugent pas comme le feraient les "normaux", les séronégatifs.
Là, tous réunis à se présenter tour à tour, raconter nos histoires comme un groupe de discussions dans un roman de Chuck Palahniuk.
Sauf un homme en imper et chapeau noir qui nous écoute en retrait, debout, au fond de la salle dans la semi-obscurité.
Certainement un futur membre du club qui n'ose pas encore se joindre à nous.
Quelqu'un d'autre prend la parole et Tony, mi-homme mi-girafe avec sa peau tachetée de verrues noires par le sarcome de Kaposi l'interrompt à nouveau en s'étouffant presque.
La séance touche à sa fin, en sortant l'homme qui nous observait m’adresse un regard à mon passage. Ainsi, habillé, il me fait penser à un majordome.
Dehors en attendant le bus sous l’abri prévu à cet effet, voilà qu'il vient à ma rencontre.
"Mademoiselle, voici une invitation à une réception que mon employeur organise, vous devriez venir, c'est très bien rémunéré." dit-il en me tendant une enveloppe qu'il a sorti de sa poche intérieure avant de regagner la voiture aux vitres teintées qui l'attend le moteur allumé.
J'ouvre l’enveloppe et découvre une petite carte avec seulement une date, une heure et une adresse inscrite dessus. Énigmatique.
Il s'installe à l'avant, assis sur le siège passager et referme la portière, je frappe à la vitre qu'il ouvre avec une expression malicieuse attendant ma question.
"Pourquoi, moi ?"
"Mademoiselle, vous correspondez aux critères physique désirés par mon employeur et ses riches amis".
Le véhicule démarre sous la pluie battante, s'éloigne au loin dans la brume nocturne.
Les dernier mots prononcés par le majordome résonne dans mon esprit et me font comprendre la raison pour laquelle son choix s'est porté sur moi et non quelqu'un d'autre du groupe : je suis un porteur sain, d'apparence désirable.


Pendant plusieurs semaines je n'ai plus eu de nouvelles de lui, pas un SMS, ou un Snap, rien. C'était plutôt logique, les vacances de fin d'année tout le monde retourne en famille, la sienne étant à l'étranger cela faisait sens.
Rien qu'a l'idée de le recroiser à la fac je sentais la honte gronder dans mon ventre mais j'avais besoin de savoir, qu'il me raconte ce qui s'était passé quand j'ai perdu connaissance. Chacun de mes appels restait sans réponse, les messages sur Facebook marqués comme lus, il m'évitait.
Et bien que je m’efforçais de ne pas m’inquiéter, peu à peu des bribes de souvenirs me revenaient.
A la reprise des cours, j'ai su qu'il ne reviendrait pas et je n'eus plus de nouvelles de lui jusqu’à ce que je reçoive un e-mail de sa part, ce fameux jour où j'ai perdu foi en l'humanité.
Sa lettre de suicide informatisé où il m'expliquait qu'il était désolé de m'avoir infligé ça et qu'il était rongé de remord.
Dans laquelle il me racontait en détail comment il avait contracté la maladie et pourquoi il s'était servi de moi selon ses termes "comme d'une arme à destination" en me donnant à sniffer de l'héroïne à la place de la cocaïne me laissant à la merci des mecs bourrés de la soirée.
Tout ça dans le seul but de se venger, de tout et tout le monde.
A la lecture de ces mots je me suis jurée de ne plus jamais accorder ma confiance aux hommes, tous autant qu'ils sont.


Je suis là au lieu et heure du rendez-vous fixé sur la carte. Vêtue d'une robe blanche, avec mes longs cheveux blonds je ressemble à un ange, un ange de la mort.
Comme je l'ai déjà dit, je fais ça pour le plaisir...de me venger. Je n'ai plus rien à perdre maintenant mais si je peux y gagner un peu d'argent je ne dis pas non. Après tout je suis toujours étudiante.
Une voiture noire s'approche du trottoir ou je me tiens, la portière arrière droite s'ouvre et j'entre dans le véhicule.
Les vitres teintées sont tellement sombres que je ne peux pas voir à travers durant tout le trajet.
Soudain le véhicule s’arrête, et si j'en crois les remous de la voiture nous roulons sur un chemin de gravier.
Le chauffeur sort pour m'ouvrir la porte de la voiture et j’aperçois en levant la tête le majordome, l'homme que j'ai rencontré l'autre jour m'attend sur le perron de la porte.
Il me salue, me précise que j'étais très attendue, que ces messieurs sont très excités par ma venue et me demande de le suivre.
J'avance à ses côtés dans la demeure, guidée par les spots de lumières au plafond.
Deux hommes à la carrure de vigile de supermarché nous ouvrent la double porte qui donne sur un grand salon rempli de canapés et de lampes.
Le majordome, récupère mon manteau et mon sac puis d'un geste de la main m'invite à avancer vers les hommes assis en train de fumer leurs cigares.
Ils semblent tous d'âges différents mais ont résolument passé la cinquantaine. D'autres filles sont présentes aussi, l'une d'elle se déshabille et se frotte sur un vieil homme en fauteuil roulant.
Ils m'entourent et sans même connaitre mon nom ils me chuchotent une question "depuis quand je suis contaminée?".
A sentir leurs érections sur mes jambes et mes fesses je comprends ce qui les excite, ces riches veulent expérimenter le grand frisson, frôler la mort par le plaisir charnel avec des jeunes femmes séropositives.
Leur instinct de mort est exacerbé mais le risque reste mesuré, malgré le fait qu'ils ne mettent pas de préservatif il y a un médecin avec des traitements infectieux d'urgence qui assiste à la scène.
Le plus jeune de ces hommes me palpe le sein, me regarde en demandant s'il peut le lécher et je lui réponds d'une carresse maternelle sur le haut de la tête.
A peine trois heures après, nous sommes congédiés par le majordome, la levrette russe ne se joue pas plus d'une fois généralement.
Un domestique me rend mon manteau et mon sac dans lequel il y glisse une enveloppe puis m'escorte jusqu'à l'extérieur où une voiture m'attend.


Assise sur une chaise dans cette antichambre à attendre que quelqu'un vienne nous chercher pour traverser le couloir de la mort.
Ce qui nous attendait n'était pas une injection qui nous prélèvera la vie, non, seulement un peu de notre sang.
Je feuilletais des brochures posées sur la table, l'une d'elle était quand même pour le don du sang.
Pour la première fois depuis des semaines je souriais en pensant que mon groupe sanguin était O+, donneur universel.
Si le sang n'était pas vérifié ça aurait été une bonne idée, en tout cas meilleure que celle de mettre des aiguilles infectées dans les sièges d'un cinéma.
Deux sièges plus loin, un homme, la quarantaine, sifflotait en se recoiffant puis porta son regard sur moi et me sourit.
Je me rappelle avoir vu un couple ressortir main dans la main et ça m'avait tellement écœurée que je n'avais pu réprimer mes pleurs.
L'homme s'approcha de moi pour me tendre un mouchoir et remit une mèche de mes cheveux derrière l'oreille.
Il me murmura « ça va aller » puis une fois calmée, je me redressais et levais les yeux vers lui en le remerciant le nez dans mon mouchoir.
En réponse il balaya l'air d'un geste de la main avant de me dire "Moi, c'est Tony". Les présentations faites, je lui demandais comment il faisait pour prendre la chose aussi bien, sans stress et il me raconta qu'il en avait marre de vivre avec une épée de Damoclès arc en ciel au-dessus de la tête.
Pétrifié de contracter le sida à chaque fois qu'il avait un rapport sexuel, il participa à sa première slaming party, ces grandes orgies marathon ou des centaines d'hommes baisent sous méphédrone.
Il ne voulait plus plus vivre dans la peur. Être libéré, ne plus avoir à y penser. Pour cela il lui fallait affronté sa peur d’être contaminé une bonne fois pour toute.
Sa vision des choses m'inspira la mienne, celle qui me pousse à aller de l'avant, à ne pas me laisser abattre me donner envie de me battre à ma façon.
Non-violente, c'est mon côté peace and love, même si les hippies ne sont pas vraiment le bon exemple puisqu'il se sont décimés comme ça.
On pourrait aussi dire que si j’étais indienne je serais l’alter ego de Gandhi, pacifiste à l’extrême je ferais un sitting une bite dans chaque trou comme un fakir du cul.
Dans le petit miroir à main, je vois mes joues noircies par mes larmes. Je sors ma trousse à maquillage de mon sac, remet un peu de crayon, d'eye-liner et de fond de teint.
A présent, sous ces peintures de guerre je dissimulerai mes peurs et de ma beauté je ferai une arme.
Un médecin vint au pas de la porte, l'homme à coté de moi, Tony se leva et le suivit.
Je ne savais à ce moment que l'on se reverrait un jour...au groupe de discussion.


Je ne crains pas que l'on m’arrête, ou m'accuse de tuer tous ces gens. Moi je n'ai violé personne, drogué personne, je ne propose même pas, je dispose et ma seule exigence c'est de le faire sans préservatif.
Mais bien souvent, je n'ai pas besoin de le dire ils le comprennent d’eux-mêmes.
Ce soir, pour rentrer chez moi je décide d'emprunter un autre chemin, habituellement je ne serais pas passé par la cité et ses allées mal éclairées.
Sur mon passage j’entends des sifflements par une bande qui traîne devant un immeuble. Le harcèlement de rue au service de la misère sexuelle.
L'un d'eux en sweat à capuche s'approche, en me traitant de pute, la classe à l'état brut.
Je ne réponds pas et continue mon chemin.
Généralement ça les rend fou quand je me dandine en me mordillant la lèvre inférieure, les défiant du regard, à qui me ramènera chez lui, le virus dans son foyer, pour moi un nouveau foyer infectieux.
Quant à eux, ils semblent plus dans l'esprit communautaire, de la culture du partage et de la tournante.
Après tout si il y en a pour un il y en a pour six.
J’accélère le pas, franchis un petit passage étroit quand je reçois un crachat dans les cheveux.
Quand je me retourne ils sont tous là à m’entourer, me toucher, avide, la bave aux lèvres comme les chiens qu'ils sont.
Et bien que je me laisse faire, c'est plus fort qu'eux ils ont ce besoin de me frapper.
Ils m'entrainent avec eux, à l'écart de tout regard, dans les caves, là personne ne viendra me chercher quand ils en auront fini avec moi.
A ce moment même je sais que je vais mourir.
Mes vêtements arrachés, à genoux et une lèvre tuméfiée, j'ouvre la bouche pour accueillir leurs sexes, comme je le ferais avec un revolver six-coups pour me suicider.
Et je les suce goulument, avec une ardeur telle que ça n'a même pas l'air de les inquiéter et pourtant ils devraient. Ils ne savent pas qui est du bon côté de l'arme.
Une racaille me prend par les cheveux et pousse sa bite au plus profond de ma gorge en appuyant sur ma tête.
L'éclairage à minuterie s'éteint et j'en profite pour cracher le sang qui boue au fond de ma bouche sur leurs bites. Et ça les excite.
On rallume la lumière, les ombres de mes agresseurs dansent sur les murs, je sens l'un d'eux passer derrière moi.
Il me tire la tête en arrière et me lèche l'oreille puis relâche ma nuque (sa prise) pour mieux refermer son étreinte.
La pénétration est difficile, ça fait mal, et je ne peux même pas serrer les dents pour affronter la douleur puisqu’ils m'obligent à les sucer.
Pendant de longues minutes le mouvement s’accélère jusqu’à ralentir où ils finissent par rependre le venin de leurs verges.
Alors que je commence à reprendre ma respiration une pluie de coups s’abat sur moi.
Celui qui était en moi, sort un couteau qu'il tend au plus jeune en lui ordonnant "finis-la".
Dans ces termes, je comprends bien qu' il n'est pas question de sexe mais de meurtre.
Il se penche sur moi et m’exécute.
La lame tranche, pénètre l’épiderme, en plusieurs endroits, un peu plus profond à chaque coup, un peu moins rapide au bout d'un temps.
Je sens la vie me quitter, la fin du calvaire, l’hémorragie.
Me vidant de mon sang, tout ce sang venimeux qui se répand sur le sol de ces caves comme un fleuve, une dernière pensée me traverse. Et que coule la haine.