samedi 24 juin 2017

Mari est femme

Mari est femme

 Cela fait des années maintenant que les services sanitaires constatent une hausse importante de résidus d'œstrogènes dans les eaux naturels et de villes.
Elles proviennent de l'élimination par les urines et selles humaines et animales des hormones naturelles mais aussi des hormones de synthèse présente dans les médicaments, pilule contraceptive, ainsi que des industries chimique, pharmaceutique et agroalimentaire intensive.
Bien que ces dernières soient traitées via différent procédés d'épuration et de filtration cela ne suffit pas à éliminer la contamination de ces dangereuses molécules.
Oui, car les œstrogènes, ces hormones sexuelles, jouent le rôle de perturbateurs endocrinien.
Depuis 2002, on connait le risque que font courir les œstrogènes à l’environnement : ils sont responsables d’une féminisation massive des poissons sauvages ,notamment  dans la Seine.
Mais en plus de perturber gravement l’écosystème aquatique, ces molécules agissent directement sur la santé en générant des tumeurs, cancers du sein ou de la prostate, problèmes de fertilité.


"N'importe quoi! Qu'est ce qu'il faut pas entendre!
Si tu les écoutes à la télé, on va tous finir PD comme eux!" dit il la bouche à moitié pleine, tapant du point sur la table.
Une fois avalé ce qu'il vient de mâcher, il tend son verre en direction de l'écran et bois d'une traite son grand verre d'eau en s'écriant "Aux hormones!"
En se levant, Ludovic manque de faire tomber sa chaise et s'enferme dans les toilettes pour son habituel rituel avant de partir travailler : faire la grosse commission en feuilletant playboy.
Pestant toujours à travers la porte alors que le reportage est fini et après que le présentateur soit passé à une autre rubrique.

Arrivé au boulot, il salut ses collègues, une fois changé en tenue de travail : c'est café, prise de consignes et départ en patrouille.
Les rues sont calmes comme les ondes radios, aucune mission à l'horizon alors ils décident avec son équipage de faire un contrôle routier.
Bien sur, un dimanche matin il y a peu d'infraction à relevé car il y a peu de véhicule qui circule.
En manque d’adrénaline et en proie à l'ennuie, ils se défient les uns les autres.
C'est à celui qui récupérera le plus de numéros ou celui de la plus jolie.
Pour se faire, ils interpellent de préférence les petites voitures citadines souvent occupé par de jeunes demoiselles.
Sylvain, le moins gradé du trinômes arrête une Mini-Cooper noire avec à son volant une jolie rousse.
Bien sur, les remarques sexuelles déplacés fusent après le départ de la jeune femme et c'est au tour d'Alexandre de choisir une voiture.
Cette fois c'est une Twingo jaune qui se fait arrêter sur le bas coté, conduite par une superbe métisse au large sourire.
Et enfin la dernière voiture, c'est celle que Ludovic doit choisir.
Il faut dire qu'il prend bien son temps pour cela, laisse quelques véhicules passer jusqu'à avoir le coup de cœur. On pourrait considérer cela comme un dérivé de l'instinct policier ou du chasseur.
De loin il l'a remarque, la smart rose aux vitres teinté reflet argenté et il le sais, c'est elle qui va choisir, ça ne peut en être autrement.
Cependant la question demeure quel type de bimbo se trouve la dedans, une blonde? Une brune? Rousse? Latina? Asiatique? Nordique? Africaine ? Orientale?
Arrivé à hauteur de Ludovic, la fenêtre coté conducteur s'abaisse automatiquement et c'est un homme efféminé qui apparait, saluant de la main les deux autres agents dans le camion de police.
"Bonjour Monsieur l'agent, allez y contrôlez tout ce que vous voulez!" dit l'automobiliste d'un voix fluette avec cet accent ridicule international qui contribue au cliché homosexuel.
Stupéfait et tentant de contenir sa déception le gardien de la paix coupe court au contrôle et aide la smart à se réinsérer dans le flux de circulation sans s'attarder.

Et c'est en reprenant la route en direction du commissariat qu'ils tombent sur une foule et un cortège de char qui remontent l'avenue en musique.
Sur les pancartes brandit par les manifestant on peut y lire des slogans pro LGBT et y voir des hommes embrasser des hommes et des femmes embrasser des femmes défilant fièrement mains dans la mains.
"En ce moment j'ai l'impression que c'est tout les jours la gay pride!"

Après le service, Ludo et ses "collègues" se retrouvent régulièrement autours de quelques bières.
Pour sa femme il fait du rabiot à cause d'un accident survenu à la fin de sa vacation, c'est l'excuse qu'il lui servira au téléphone pendant qu'elle sera seule avec leurs deux enfants pour le repas.
Son téléphone dans la poche, il appelle sans le vouloir le dernier numéros composé, celui de sa femme.
Alors que cette dernière est en train de coucher les enfant en leur lisant une histoire, la sonnerie de son portable retentit.
Paniqué par cet appel tardif, inhabituel et anxiogène, elle prête une oreille attentive quoique indiscrète a ce qu'elle parvient à discerner par dessus la musique et n'osant pas raccrocher elle écoute la discussion de son mari avec ses collègues de travail.
"Pas mal du tout ce bar"
"Ouai en plus y a de la chatte, j'aurais pas cru ça ici!"
"Et ouai mon pote!" Fait ludo en passant un bras autours des épaules de Sébastien.
Je suis certain que vous vous demandez ce que font des hétéros 100% pur bœuf dans un établissement gay-friendly?
Il sont là tout simplement parce qu'ils savent que les plus jolies filles aiment venir danser et s'amuser dans ce genre d'endroit sans crainte de se faire aborder toute la soirée par des gros lourds avinés.
"Bon on commande quoi? Whisky coca les gars?" dit Alban alors que la serveuse s'approche d'eux, ses 3 amis acquiesçant d'un hochement de tête.
La barmaid sers les verres, les déposent sur le bar et encaisse le billet que lui tend Alban.
Pendant que cette dernière cherche l'appoint dans le tiroir caisse, Ludo Alban Sébastien et Alex trinque et reluquent les fesses de la jeune femme.
"Elle a un sacré cul celle-là!" s'esclaffe un peu trop fort Ludo sans se rendant compte que la serveuse s'est retourné et l'a entendu.
Tout comme sa femme à travers la poche ou est rangé son téléphone.
"Regarde derrière toi Ludo, t'as une grande blonde qui te matte à l'autre bout du comptoir." dit Alban en ramassant sa monnaie sans que les 3 autres ne puissent s’empêcher de se retourner vers la jeune femme.
Lentement notre Don Juan pivote, lance un sourire charmeur à destination de la jeune femme blonde, aux atouts quasi apparent sous sa robe moulante rose.
Elle continue de le dévisager en sirotant son cocktail, jouant de ses grosses lèvres pulpeuse sur la paille puis s'avance pour pauser son verre.
Arrivé à sa hauteur elle lui adresse un clin d’œil puis continue de marcher en direction de l'escalier en colimaçon menant aux toilettes.
"On peut pas dire qu'elle a froid aux yeux celle là!"
"Tu devrais la rejoindre mec!"
"Ah bon, tu crois?"
Ni une ni deux, il vide son verre cul sec, essuie sa bouche du revers de sa main, réajuste son col de chemise et emboite le pas sur la jeune femme.
A sa grande surprise il l'a voit entrer dans les toilettes réservés aux hommes du moins c'est qu'il en déduit en voyant la porte revenir au point de fermeture.
Il jette un œil du coté des pissotières mais ne voit personne, puis il se dirige au fond vers les cabines.
En dessous de la porte il voit les talons rose assorti à la robe dépasser, tape à sa porte et rentre dans la cabine adjacente.
Là, il voit un trou dans la cloison qui les sépare duquel il aperçoit une bouche de l'autre coté, un gloryhole.
Sans trop d'hésitation - pour ainsi dire aucune - il défait sa ceinture, baisse son pantalon et glisse sa bite dans l'ouverture.
Les va et vient humide dans cette caverne mystérieuse semble satisfaire notre père de famille qui se laisse aller à penser à voix haute.
"Je crois que c'est la meilleure pipe qu'on m'ai jamais faite!" s'esclaffe-t-il avant de lâcher la sauce dans la bouche mystère.
A elle de répondre d'une voix grave mal dissimulée :"A toi maintenant mon chéri!"

Chancelant, s'appuyant contre les murs afin de ne pas perdre l'équilibre il se fraye un chemin jusqu'à sa porte d'entrée puis au toilette à la lueur de son téléphone, tout ça pour ne pas réveiller sa famille.
Pisser et vomir, évacuer l'alcool par tout les moyens.
Au matin il se réveille la bouche pâteuse, l'haleine encore alcoolisé des vapeurs de la veille.
D'un regard il balaye la pièce, tout est sans dessus dessous.
Quelques questions émergent alors dans son esprit : Qu'est ce que c'est que ce bordel?
Comment suis je rentrer?
Ou est à ma femme et les enfants?
Et pourquoi y a plein de saut, assiette, pinte, mug rempli de vomit un peu partout dans la maison?
Tout cela lui donne un mal de crane a moins que ce soit les effets secondaires de la cuite.
Il se sers un verre d'eau qu'il bois d'une traite, puis un deuxième et c'est en cherchant un flacon d'aspirine dans la cuisine qu'il tombe sur une enveloppe à son nom.
A l’intérieur une lettre de sa femme qui lui dit qu'elle le quitte et qu'elle est chez ses parents avec les enfants.
Les larmes commencent à lui monter quand il se rend compte qu'il va être en retard au travail.
Ni une ni deux, il se prépare et pars.

Au boulot, il a dut mal a cacher sa peine et fait passer ça sur le compte de la gueule de bois.
Lors d'un contrôle routier comme à son habitude il arrête une voiture à midinette jusque là rien d'anormal mais c'est au moment ou il demande à la conductrice de lui remettre les papiers du véhicule que sa voix se met même à muer.
Sans voix, submergé par ses sentiments, il toussote dans sa main et fait signe à la contrevenante de reprendre sa route.
Troublé, fiévreux, il ne se sent pas dans son état normal et demande à quitter le boulot plus tôt.
De retour chez lui, sa maison toujours aussi vide, une odeur nauséabonde de vomis imprègne les lieux.
Ludovic se retrousse les manches pour nettoyer tout ça, pas facile pour lui qui se contentait jusqu'à maintenant de mettre les pieds sous la table en rentrant de sa journée de travail.
Ménage, vaisselle, repassage, il frotte, lave, récure et se rends bien compte qu'entretenir une maison tiens de tout sauf d'une pédicure!
Épuisé, il se fait couler un bain moussant. Il n'y a rien de plus relaxant et de mieux pour méditer.
"C'est elle qui reviendra!!!Hors de question que je me rabaisse à faire le premier pas!" pense-t-il en voyant son peignoir sur le porte serviette trop loin pour qu'il ne puisse l'atteindre sans tout tremper sur son passage.
Une fois sec, il se pose en peignoir sur le canapé télécommande en main, zappe les chaines sans même parfois les regarder.
"Tiens un bon match de foot! Voila ce qu'il me faut!" pense t il a voix haute.
Ce soir, la finale de la coupe de France de football oppose une petite équipe amateur de CFA et un géant de la ligue 1.
Et l'on voit bien que l'effort collectif peut parfois vaincre l'argent, poussé par son public, par la foi, l'esprit sportif.
De tout ça Ludo s'en fout, lui, tout ce qui l’intéresse c'est de voir d'un œil moqueur la branlée du siècle, le score dépasser la décimal, le malheur des autres pour sa plus grande joie mais ce match ne se déroule pas selon ses attentes.
Le petit poucet comme on le surnomme dans la compétition résiste tout le match, les joueurs amateurs se donnent à 1000% et ça se voit.
Chaque ballons perdu est une occasion donnée à l'adversaire, chaque duel gagné est une possible opportunité de marquer.
Et l’impassible finit par se produire, alors que tout le monde les donnaient perdant il ouvre le score à 10 minutes de la fin du temps réglementaire.
Le public exulte, les commentateurs sportifs en perdent leurs mots, épuisent leurs superlatifs.
Rarement on a pu assister à une telle démonstration de volonté récompenser de la sorte et tout cela n'échappe pas à la sensibilité de notre homme.
Et lorsque les joueurs amateurs victorieux soulève la coupe dans une explosion de joie, ludo ne peut s’empêcher de verser une petite larme. C'est plus fort que lui.
Pour se changer les idées, il zappe, encore et encore.
Habituellement, à une heure aussi tardive que celle là, alors que sa femme est endormi profondément, Ludo change de chaine pour regarder les programmes de deuxième partie de soirée, autrement dit les films pour adulte.
Seulement voila, ce soir il ne trouve rien hormis une émission de télémarketing ou une robe de marié est vanté à l'achat.
Pris d'un haut le cœur, il renifle un instant, respire profondément pour reprendre ses esprits, appuie sur la télécommande et tombe sur une comédie romantique nunuche.
Et là quand il entend la musique monté accentué par le léger mouvement de camera qui caractérise l'incontournable scène du baiser du film, Ludo tout mâle musclé et testostérone qu'il est, succombe, éclate en sanglot perdant tout contrôle sur ses émotions.
Submergé de sentiments il se saisi de son téléphone portable.
"Comment vais je reconquérir ma femme? Je fais quoi moi? Je lui écrit? Je vais la voir? Je la laisse réfléchir?" s'interroge-t-il en écrivant puis effaçant le texte du SMS qu'il voulait envoyer à sa femme.
Il se lève pour prendre le paquet de mouchoirs qui trainait sur la table, attrape la couverture et la boite de chocolat puis se goinfre emmitouflé devant la tv.

Au beau milieu de la nuit Ludovic se fait réveiller par sa vessie.
Et c'est le plus naturellement du monde qu'il s'assoit sur la cuvette et commence à lire un magazine Féminin ("Elle" ou "femme actuelle") là ou habituellement pendant la grosse commission ce dernier feuillette Playboy (ou "Lui").
Lui, justement, qui est plutôt le genre d'homme à se définir comme étant un mâle"Alpha", revendiquant fièrement son droit de pisser debout, son devoir d'honorer ce privilège en somme.
Cela fait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi détendu, personne pour lui rappeler de faire attention à son jet ou de rabattre la cuvette après son passage, pas de gosses pour taper à la porte des toilettes ou éteindre la lumière en appuyant sur l’interrupteur qui se trouve à l'extérieur.
Un vrai moment de relaxation, à l’abri du monde extérieur c'est ce qu'il ressentait jusqu'à ce qu'il soit pris de crampe abdominale, contraction spasmodique musculaire aiguë qui l'enserre comme le ferait un corset ou un étau.
Rapidement les larmes lui montent aux yeux, ses mains se crispent sur le journal, froisse le papier glacé et quand il descend son regard vers son entre jambe il aperçoit en contre bas de la cuvette des taches de sang coagulés qui se diluent dans l'eau et l'urine.
Une fois la stupéfaction passé c'est la panique totale! Il s'essuie, puis cherche dans l'armoire à pharmacie, des serviettes hygiénique sans parvenir à en trouver.
Enrobant son pénis de compresse et de sparadrap, il se fabrique un pansement de fortune, enfile un pantalon de jogging et prend sa voiture direction l’hôpital.
Arrivé aux urgences, il va pour se présenter à l'accueil et c'est en asseyant qu'il remarque que tout autours de lui ce ne sont que des hommes souffrant des mêmes symptômes que lui qui attendent dans le hall d’être pris en charge.
Ces congénères mâle de tout ages, toutes professions et confessions qui pleurent dans cette grande pièce vitré et aseptisé.
Pour Ludo si c'était un tableau de Gustave Doré qui se déroule sous ses yeux celui-ci serait intitulé "le début de la fin de l'humanité".
C'est une scène biblique à laquelle assiste, allant bien au delà de son imaginaire et plus apocalyptique qu'une pluie de sauterelle selon sa sensibilité.
Après des heures et des heures d'attente douloureuse un médecin le reçois enfin, l’ausculte rapidement puis lui propose un remède qui le met hors de lui.
"Non mais vous vous foutez de moi?! Je pisse du sang par la bite et vous me proposer un putain de Spasfon! Sérieusement?!"
Ludo arrache la boite de médicament des mains du médecin et quitte furieusement les lieux.

Le gros de la crise est passé, il n'a même plus d'écoulement, plus de trace de sang dans son protège slip.
A ce propos l’appellation "protège slip" prend désormais tout son sens.
Maintenant qu'il se sent mieux, il décide de rendre visite à sa belle famille pour voir ses enfants et éventuellement rétablir un contact avec sa femme.
En sonnant, il hésite presque à rebrousser chemins et puis la porte s'ouvre.
C'est Elsa, sa grande fille, visiblement heureuse de le revoir qui l'accueille et l'invite à rentrer.
Dans le salon, Martial, son petit garçon qui joue avec une poupée Barbie de sa petite sœur.
Ludovic appelle son fils qui se retourne le visage entièrement maquillé et se jette dans les bras de son père ô combien mal-alaise.
"Ou est votre mère?" demande t-il à ses enfants en leurs caressant la tête.
"En haut, je crois" réponds t elle en désignant l'étage du doigt.
Notre père de famille monte les escaliers, remarque la porte de la salle de bain entrouverte et s'avance vers elle.
Par un habile jeux de réflexion dans les miroirs il aperçoit une silhouette grotesque en sous vêtement, il reconnait cette lingerie, celle qui l'a offert à sa femme pour la St Valentin.
Et au moment ou il va pour s'approcher il croise sa femme qui sort d'une chambre adjacente.
"Papa tu as fini avec la salle de bain?" demande t elle en portant la voix.
"Oui...une seconde...n'entre pas, je me rhabille!" répond-t-il un peu affolé dans la précipitation.
Pour parer à la sensation de surprise de sa femme notre policier engage la conversation le premier :"Bonjour, c'est la petite qui m'a dit que tu étais en haut"
"Bonjour...oui, mais que fait tu là Ludovic?" dit-elle sur un ton contrarié, hésitant entre le mécontentement et la joie.
Un peu désarmé, il baisse les yeux de gène, regarde le bouquet de fleur qu'il a dans les mains et rebondit sur cette idée : "Je passais voir si vous alliez bien et je voulais t'inviter à diner..." bredouille-t-il timidement.
Elle prend le bouquet et lui répond "on verra" dans une expression se voulant aussi neutre que possible.

Sans trop de suspense sa femme le rappelle le soir même et lui annonce qu'elle accepte de passer la soirée du lendemain avec lui.
Une fois raccroché, Ludo laisse exploser sa joie en un petite pas de danse victorieux.
Rapidement, celui-ci est submergé par des questions comme "Que va t-il pouvoir lui cuisiner? Ou plutôt l'amener au restaurant? Que devrait-il porter comme vêtement? Habillé ou décontracté? Doit je m'épiler le dos et le sexe ? Les poils de nez et des oreilles?"
En se coiffant, les mains tremblotantes comme un ados avant un premier rendez-vous, il se prépare, se fait beau pour sa femme.
"Quelle sensation étrangement agréable" pense-t-il, ne parvenant pas à se souvenir l'avoir ressenti depuis ses 25 ans.
DING DONG fait la porte d'entrée.
"C'est elle, elle est là" continue le monologue intérieur, un dernier regard dans le miroir du sas d'entrée, une profonde inspiration pour notre homme avant de lui ouvrir.
Tout deux semblent très gênées non pas de se voir mais de savoir comment se dire bonjour et finalement sa femme s'avance pour lui déposer un baiser sur la joue.
"Installe toi, fait comme chez toi!" dit Ludovic à sa femme s'hasardant à un trait d'humour pendant qu'il dépose son manteau et son sac à main dans le placard.
"Je t'offre quelque chose à boire?" demande-t-il en passant la tête par l'encadrement de la porte de la cuisine.
"Oui, je veux bien merci." lui réponds elle en balançant sa chevelure de l'autre coté pour se recoiffer.
DRIIIIIIIIINNNNG fait le four, il se précipite dans la cuisine et constate a travers la vitre que le plat n'est pas encore cuit, il relance la minuterie.
Il revient dans le salon avec deux verres et une bouteille de vin rouge.
La discussion se déroule dans une ambiance chaleureuse, la gene de la rupture semble avoir totalement disparue et la complicité du couple retrouvé.
Petit à petit la bouteille se vide, la tension se relâche, regards et sourirent s’échangent, leurs visages se rapprochent pour s'embrasser quand l'alarme du détecteur de fumé retentit dans la pièce.
DRRRRRIIINNNNNNGGGG
"Mince! C'est en train de brulé!" s’écrit-il en accourant en direction du four.
Il se saisie d'un gant thermique et d'un torchon puis ouvre la porte vitré pour en sortir le plat en moulinant dans les airs pour évacuer la fumé.
Derrière lui, sa femme l'enserre par la taille, fais glisser ses doigts sous son pulls et viens coller son visage contre son épaule.
"Tu as changer de lessive ?"
"Non, j'ai mis une crème de corps."
Toute excitée par ce "nouveau lui" qu'elle redécouvre ce soir elle l'entraine par la main dans la chambre.
Là, entreprenante elle retire lascivement ses vêtements devant son mari puis tout en l'embrassant, elle le déshabille, lui aussi.
Elle commence d'abord par sa chemise, puis détache sa ceinture, fait glisser son pantalon et jette un regard coquin dans son caleçon.
Un instant passe où elle reste sans bouger, les yeux figés sur l'entrejambe de Ludo.
Parcouru par un frisson de panique, il regarde à son tour et constate que son sexe n'ai pas en érection, pire que tout celui-ci semble comme atrophié.
Son pénis a rétrécit à tel point qu'il passerait pour un gros clitoris, une tumeur, une étrange appendice.

C'est la dernière vague image qui lui revient en tête, après ça il ne se souvient de rien d'autre que l'agaçante sonnerie du réveil.
Le réveil est difficile - bouche pâteuse et regard embrumé - de ce cauchemars alcoolisé, un coma délirant marqué par un enchainement de situation aussi absurde que grotesque.
Il se lève de son lit et titube jusqu'aux toilettes.
"Tout est là dans des proportions normales" pense-t-il à voix haute en soupesant ses testicules.
Heureux et soulagés il sifflote joyeusement en urinant debout et s’arrête un instant pour profiter du chants harmonieux des oiseaux troublés par celui de ses enfants chahutant dans la maison.
Il se dirige vers la cuisine, caresse la tête de ses enfants, embrasse sa femme et s'installe à table pour partager son petit déjeuner en famille.

lundi 1 mai 2017

Clémence

Clémence 

Ma petite Clémence, tu étais une fille ambitieuse jusqu'à aujourd'hui : des heures supp non payées à n'en plus finir, une rigueur et ponctualité à faire pâlir un horloger suisse, une tenue toujours impeccable assorti d'un sourire charmeur en toutes circonstances.
Et cela ne t'as pas toujours était bénéfique...car plus tu deviens compétente plus tu es indispensable et moins tu es considérée.
Ma bonne poire, à trop en faire cela te dessert.
Bienvenue dans le monde impitoyable du travail.
Pauvre Clémence, toi qui voulais juste être professionnelle.
Oui, il faut bien que quelqu'un s’apitoie sur ton sort et qui d'autres le ferait mieux que toi ?
Ne dit-on pas le travail est toujours mieux fait que par soit même?
Et au final tu as fait tout ça pour quoi ? La reconnaissance. Pour qui ? Un patron aussi ingrat que radin.
D'ailleurs, de lui parlons en...ce matin il a eu le toupet de te convoquer dans son bureau pour te présenter ta nouvelle chef.
Tu sais celle qui vient d'arriver et qui t'a piqué ta promotion.
Ce poste de responsable que tu attendais depuis si longtemps et qui ne viendra jamais.
Tout ça parce que ton boss sait aussi bien que toi que tu n'osera pas le lâcher, et encore moins saboter ton travail.
Ah ça non, tu es bien trop consciencieuse.
Pour cela tu peux t'auto-féliciter! Bravo, tu as tout gagné ma grande!
Enfin bon c'est normal d'être déçu, tu as manqué de cynisme et dans ce monde il en faut.
Regardes, plus tu es pourris mieux tu es servis, cette pouffiasse qui ne comprends rien au boulot et qui ne doit son job qu'a la mini jupe qu'elle a osé porter à son entretien d'embauche. Non mais sérieusement, qui fait ça ?
Si toute fois tu avais encore un doute, sur le bien fonder de ce monologue intérieur il te suffis de penser à ton ex.
Rappelles toi ce salaud qui t'as trompé avec la moitié de l'immeuble. Il a même essayé avec tes copines.
Là dernière fois que tu l'as croisé il roulait en Porsche Cayenne avec son heureuse petite famille. Deux enfants, appelés avec les prénoms que vous aviez choisis ensemble avant même que cette pouffiasse ne te le pique.
Si il y a bien une chose à retenir c'est que pour réussir soit tu fais la pute soit la cassos.
Bref, tout ça pour dire que tu as besoin de repos, de faire un break, de prendre du temps rien que pour toi, sinon c'est le burnout assuré!
Et tu le sais très bien avec les soldes qui arrivent précédés des sempiternelles ventes privés pas la peine de demander à pauser des vacances ou même un jour ou deux, la réponse tu la connais ce sera négatif!
Reste qu'à faire la cassos, puisque t'es congés seront refusés autant te faire porter pale.
La vrai question c'est : vaut-il mieux simuler ou faire en sorte de vraiment tomber malade ?
Envisageons toutes les possibilités : embrasser des gosses dans une crèche ; lécher la cuvette des toilettes d'une aire d'autoroute ; sucer un clodo ; (Est ce que cela ferait il de moi une pute même si celui-ci est dans l'incapacité de me payer?!) manger un kebab ;
En effet tout cela n'est pas très engageant surtout pour une hypocondriaque comme toi.
Tu devrais plutôt opter pour la simulation, entre nous ce n'est pas comme si tu n'avais jamais pratiqué cet art subtil. C'est même avec un certain talent que tu t'y adonnée avec ton ex.
Là ce sera différent, c'est un médecin que tu vas devoir tromper, un spécialiste, quelqu'un qui se base sur des phénomènes physiques et pas seulement sur tes dires.
Il est loin le temps ou il te suffisait de mettre le thermomètre en contact avec une ampoule chaude pour faire croire à ta mère que tu avais de la fièvre pour ne pas aller à l'école.
Quand il te demanderas la raison pour laquelle tu as prise rendez vous tu lui répondra que depuis hier soir tu as des nausées, que des crampes abdominales ton empêcher de dormir et fait vomir 3 fois.
Bon et si vraiment tu veux être sûre d'être convaincante pourquoi ne pas lui parler de tes diarrhées?
N'oublie pas de venir à jeun, aspire de l'air en grande bouffées suffocantes pour faire des rots de vomis, en plus de te donner une haleine nauséabonde cela fera aussi pleurer tes yeux. Bien sur, viens sans t'avoir brosser les dents sinon cela annulerait tout l'effet.

Petites astuces de grand-mère : (bien que grand mère n'ai pas eu à faire cela, elle n'avait pas le droit de travailler à son époque)
Celle-ci tu l'as trouvé sur internet (il y a tout sur internet sauf un mec pour toi)
- Pour un teint pâle : utilise de l'anticerne vert que tu étales sur ton front et tes joues et n'oublie pas de faire le cou. N'abuses pas du subterfuge sinon cela sera flagrant.
- Pour des yeux larmoyants : appliques une petite quantité de dentifrice sur tes paupières inférieures pendant environ trois minutes pour avoir la sensation que tes yeux brûlent.
C'est marrant toute cette préparation pour 3 fois rien, tu ne vas quand même pas faire le casse du siècle.

Pour les arrêt maladies les tarifs sont les suivants :
- une Gastro : de 2 à 3 jours
- un mal de dos : 7 jours mais dans ce cas là impossible de justifier le fait de sortir de chez soit.
- pour dépression : de 3 semaines et jusqu'à 1 mois dans ce cas là j'ai peur de ne pas être aussi bonne actrice.
Rester raisonnable, c'est ce que tu as choisi en optant pour la gastro.
La porte de la salle d'attente s'ouvre, le médecin dans son ensemble classique blouse blanche lunette sur le nez, couronné par sa calvitie appelle ton prénom et t'invite à le rejoindre.
Sorti de ta somnolence que tu feignais la tête appuyée sur ta main, tu avance lentement et avec difficulté jusqu'à son cabinet.
Il s'installe au siège derrière son bureau, tu t'assoie en face de lui et là commence ta plaidoirie. Que le spectacle commence!
Ton speech parfaitement roder grâce à tes nombreuses répétitions préalable devant le miroir te permet de passer à l'étape suivante : l’auscultation.
Et là, comme étourdie, tu te lève lentement de ton fauteuil, chancelante, une main appuyé sur son bureau pour t'aider à garder l'équilibre.
Tu te diriges à petits pas vers le lit médical bordé de papier saupalun, enlèves les 3 couches de vêtement pour te donner chaud et rendre ta peau moite de sueur et simuler la fièvre.
Soudain, tes épaules se hausses, comme si tu étais parcouru par un frisson et c'est la tout le but.
Il passe le bout métallique et froid de son stéthoscope sur ta poitrine et dans ton dos, s'arrête, écoute dans son appareil, te demande de respirer plus fort puis le retire.
Tandis qu'il retourne à son bureau pour rédiger une ordonnance, tu te rhabilles, lentement. Toujours.
Une fois qu'il te remet l’arrêt de travail retiens toi de sourire, fais-le intérieurement à la place tu hoches la tête, dis merci docteur et le tour est joué!
Mais contre toute attente, celui-ci te donnes une deuxième ordonnance, sur un ton qui se veut être rassurant mais qui cache mal son inquiétude celui-ci te conseille de faire des examens complémentaires plus poussés avant de reprendre le travail et de revenir le voir car cela pourrait être plus grave qu'il n'y parait.
Sur le coup, tu crois à une blague, il te fait marcher c'est certain, sauf que lui a l'air meilleur acteur que toi.
Tu as envie d'avouer la supercherie, lui dire que tout ça n'était que de la comédie dans le seul but de te faire prescrire un arrêt maladie.
Seulement voilà, tu es prise au piège de ton propre mensonge, dans les rouages d'un engrenage qui est hors de ton contrôle.

"Écoutes, tu n'as pas à t'inquiéter. Tu viens de mettre un pied dans la trentaine! Tu es un peu fatiguée voila tout! Et tu va avoir quelques jours de repos bien mérité! Youpie!"
En rentrant chez toi, tu jubiles du tour que tu as brillamment orchestré mais la saveur de la victoire à comme un arrière gout amer et rance.
Fais toi couler un bain ma grande, sers toi un grand verre de vin rouge et détends toi. Profites du moment.
A toi la grasse mâtiné et 3 journées entière à te goinfrer de chocolat en matant des séries, tout en trainant sur Tinder.
D'ailleurs, ça fait un moment que tu n'as pas eu de match.
En même temps toutes tes affinités sont inactives depuis un moment, à croire qu'ils ont trouvé ce qu'ils cherchaient et quand tu fais une recherche de nouvelle personnes à proximité, rien n'apparait comme si tu étais au beau milieu d'un désert ou de la Creuse.
Ici, personnes ne vous entendra pleurer.
Tout bien considéré, la fin du film Alien le huitième passager où Helen Ripley se retrouve seule a dériver dans l'espace avec son chaton ça te ressemble tellement.
En même temps, tu ne peux t'en prendre qu'à toi même ta description n'est pas très ragoutante et tes photos...
Que dires de tes cheveux aux fourches sèches (tu devrais retourner chez le coiffeur si tu n'en avais pas une peur panique) ton acné juvénile qui te poursuit à bientôt la trentaine (la dermato appelle ça une rosée moi j'appelle ça se faire baiser!) tes cernes qui trahissent quand même ton age (une momie adolescente?), tes hanches de femmes enceinte (on dirait que tu viens d'avoir des quadruplés!) et ton menton de dindon.
Soyons honnêtes tu n'es plus de première fraicheur.
Avec pas moins 6237 femmes en île de France pour seulement 5837 hommes, tu n'es plus dans la course.

Deux jours entier à trainasser en pyjama et te goinfrer devant des séries. Un seul constat s'impose : on se fait chier à la maison.
Tu sais quoi ? T'aurais du tenter la dépression, au moins comme ça tu serais partie en vacances.
Dommage que tu aies trop peur de l'avion...et puis si l'inspection de la secu passais te voir tu étais mal.
Quel vie de merde, c'est ce que tu pense et tu t'ennuie tellement que que tu te suiciderais bien si tu n'étais pas aussi lâche.
Oui, tu as raison reste raisonnable. Il ne faudrait pas abusé de la situation.

Depuis que tu avais vu ton médecin, tu ne parvenais plus à avoir l'esprit tranquille, tu y pensais sans cesse.
Et si il disait vrai ? Si le pire scénario se réalisait?
Toi qui ne tombe jamais malade, qui ne va chez le médecin qu'une fois par an, ce serait le comble de l'ironie, ce serait totalement insensé.
Toute cette attente de tes résultats du laboratoire d'analyse pour qu'une fois que tu les aies sous les yeux, tu ne parviennes à les décrypter.
Ce ne sont que des termes médicaux et des chiffres qui échappes à ta logique.
Heureusement la secrétaire de ton médecin t'appela pour te demander de venir au cabinet.
Comme d'habitude ce cher docteur t'ouvrit la porte mais cette fois il dégagea un siège et te conseilla de t'assoir.
Il avait ce sourire gêné accompagné de ce regards fuyant qui te rappelais celui de ton ex, le jour où il t'as largué.
Et quand il a enlevé ses lunettes et croiser ses doigts, là à ce moment précis tu as compris que cela ne présageais rien de bon.
"Les résultats indique que vous êtes très probablement atteintes de la Myofascite à macrophages.
Bla bla bla...C'est une maladie dégénérative très rare, il n'y a que seulement 1000 cas connu en France. Mais ne vous inquiétez pas...bla bla bla" T'as-t-il dit dans un flot de paroles voulant noyer tes sanglots.
A l'entendre, avec son ton complétement détaché, lisant les analyses d'un air serein on pourrait penser que cela concerne un autre patient, qui serait dans une autre pièce.
Il continua de lire tes analyses d'un air serein face à toi, ignorant ta stupéfaction comme si tu étais déjà morte et enterrée.
Ton sang bouillonna dans tes veines jusqu'à embuer tes yeux, des torrents d'insultes se déversèrent dans ton esprit sans parvenir à franchir le barrage de tes lèvres sellés par la bienséance.
C'est à ce moment précis que ta vie bascula, tout te revint en pleine gueule, comme submergée par une grosse vague émotionnelle.
Un tsunami de regret dans lequel tu te noya.
Toutes ses séries que tu ne verras pas entière, tout ses livres que tu ne pourra lire, le mari, les enfants et le chien que tu n'auras pas, de même que la mignonne petite maison en banlieue et les vacances à la Baule.
Et que vont devenir ta collection de mug et de vernis à ongle???
Si jusqu'à maintenant tu n'avais pas vécu en touriste de propre vie, allant jusqu'à même te parler comme une personnes extérieure, tu n'aurais pas de regret.
Je le savais le temps m'étais compté (et que je le veuille ou non) désormais je ne pourrais plus conjuguer ma vie au futur, ni même au conditionnel mais seulement au subjonctif présent.
A moins que je me ressaisisse.
Oui, je prend ma vie en main, je fait ce que je veux. Ici et maintenant, je ne suis plus sage, ni gentille, fini la bobonne de service.
Marre de répondre aux désirs des autres sans jamais être à l’écoute des miens.
Si demain...Je veux faire avant :

- Emprunter à plein d'organisme bancaire pour des crédits à la consommation le plus possible.
Je pousse mon chariot rempli à ras bord des allées jusqu'aux caisses sans visibilités, le monticule de gadgets et de vêtements s'élève au dessus de moi.

- Faire du shopping dans l'avenue Montaigne.
C'était la suite logique non?

- Remplir mon frigo uniquement avec du chocolat et du vin rouge.
Le livreur de Nicolas et Léonidas ont halluciné sur les quantités, ils m'ont même fait un prix de gros!

- Regarder tout ses putains de films dont tout le monde parlent tout le temps!
The Fountain, American Psycho, The machinist, Usual Suspects, The Game, L.A Confidential...
C'est vraiment comme ça que je compte passer mes derniers jours ? En me goinfrant devant des films dans mon canapé?!

- Mettre une tenue que j'ai acheté et n'ai jamais osé porter.
Toutes ses paires de talons qui prennent la poussière dans mon placard, ses robes sous cellophane dans mon armoire qui portent encore l'étiquette du prix et que je n'ai jamais mis.
Pourquoi ? Par manque de confiance en moi très certainement.

- Se bourrer la gueule, rentrer en boite seule et ressortir accompagnée.
Ou scénario alternatif : se bourrer la gueule, se faire refouler d'une boîte minable, se faire ramasser par les flics, finir en cellule de dégrisement.
Arrivée un peu pompette mais suffisamment parfumée pour ne pas attirer les soupçons du videur.
Et puis dans cette tenue, il m'aurait quand même laissé rentrer quoiqu'il arrive.  Ce soir je suis trop bonne! Oui, l'alcool aide beaucoup à améliorer mon estime personnelle.
La boite est remplie...de gens du boulot. C'est le dernier endroit où j'aurais voulu me retrouver avec eux.
Je ne peux les tenir à l'écart bien longtemps avec leurs regards compatissants, leurs tapent sur l'épaule et pour les plus hypocrites le câlin.
1 semaine d’arrêt maladie c'est normal, 2 encore acceptable mais au bout de plus de 3 semaines tout le monde se fait une idée très claire de ton état.
Avant je n'aurais pas oser boire autant devant eux alors que je suis en congés maladie et surtout en sachant que mes moindres faits et geste lors de cette soirée sont épiés, rapportés et critiqués.
Maintenant de tout ça, je m'en fou.
C'est peut être la dernière fois que je les vois, qui sait.
Je vais au comptoir pour me faire payer un verre par une connaissance de travail qui m'as pris en pitié quand je tombe nez à nez avec Thomas.
Thomas, c'est mon crush depuis un moment déjà. Il bossait dans la galerie marchande, le magasin de lunette en face de ma boutique.
On se voyait tout les matins, on se faisait un coucou pudique de la main sans jamais oser s'approcher ou s'adresser la parole, juste du contact visuel rien de plus.
"Salut Clémence, ça va?" Il connais mon prénom, j'en déduis qu'il s'est renseigné sur moi auprès de nos relations communes.
C'est bon, je me lance, m'avance vers lui et prends mon courage à deux mains que je lui enserre autours du cou pour lui faire la bise. Rien à perdre et plus rien à espérer.
"Ça fait un moment que je t'ai pas croisé au magasin!" me lance-t-il par dessus le son de la musique et je lui réponds que "j'étais en vacances!".
A mon teint pale il s'interroge et je le devance en ajoutant "à Oslo, c'est superbe." 
Sans jamais se lâcher du regard on continue de siroter nos verres, il m'en paie un autre, on danse, on boit, on fume des clopes jusqu'au matin.
Et quand je regarde mon téléphone pour commander un Uber, Thomas me propose de me ramener.
Devant chez moi on s'embrasse et bien que j'aimerais le faire monter avec moi il suffit que je pense une seconde à tout le bordel que j'ai laissé dans l'appartement pour oublier cette option.
Afin de ne pas le frustrer de trop, je l'embrasse sensuellement et tout gentleman (patient et compréhensif) qu'il est, repart avec la promesse de me revoir le soir.
Et c'est ce que nous faisons et tout se passe à merveille, le sexe, les discussions et les fou rires entre chaque rapports et même la nuit, endormi l'un contre l'autre.
Je poursuis ma liste :

- Faire mon baptême de l'air et du saut en parachute.
Après mette envoyer en l'air je n'ai plus le vertige maintenant, j'affronte mes peurs. Et puis si il s'écrase, j'ai mon parachute! Et puis si mon parachute ne s'ouvre pas?!
Trop tard, l'instructeur m'a déjà envoyé par dessus bord sans prévenir. C'est un peu une métaphore de ma vie, de mon état de santé.
Vu du ciel, tout est si petit et c'est étrange comme la descente semble rapide et lente à la fois.
Dans notre chute nous traversons les nuages, nos corps secoués par le vent quand d'un coup nous planons paisiblement et je ne peux m’empêcher de penser à l'éventualité d'une place pour moi là haut.
Sur la terre ferme, bien que ravi je sens que l'expérience m'a éprouver physiquement.
Je ne saurais dire si c'est le choc du changement d'altitude, l'enchainement de soirées arrosées sans beaucoup d'heures de sommeil ou les symptômes clinique de la maladie qui s'accentue sous l'effet de tout ça.
Assailli de douleurs musculaires et articulaire, fiévreuse et barbouillée.
Je me sent toute faible d'un seul coup, à la limite du malaise vagal, mes sens se troublent. La dernière pensée que j'arrive à formuler dans mon esprit et la suivante : "je dois voir le médecin" et puis soudain le trou noir.
Quand je me réveille je suis dans un camion de pompier en direction de l’hôpital.
Monter à l’intérieur de l'un de ses engins, j'en avais toujours secrètement rêver mais ce n'était pas sur ma liste.
A l’hôpital un médecin des urgences m’ausculte tandis que je lui explique ma situation.
Dés le lendemain, j'ai rendez-vous avec un spécialiste. Le docteur
Celui-ci m'explique que la maladie passe par 3 stade :
Le premier étant appelé « de précarité » qui associe des troubles physiques et neurocognitifs invalidants, le deuxième un état « de décharge » ou d'incapacité fonctionnelle totale par perte de l’éveil et le troisième et dernier l'état « de grâce », une bouffée de rémission proche de l’état sain.
Suite à quoi il me fait un court monologue pour en venir au fait que cette maladie est actuellement incurable mais...et il y a toujours un "mais", il existe un traitement expérimental qui est actuellement à l'étude auquel il me propose de participer.
Bien entendu, rien de tout ça n'est gratuit et si les résultats ne sont pas garantis ils sont selon lui très encourageant.
La question qui se pose à moi maintenant est la suivante : A quoi bon me rajouter plus de médicaments que je n'en prends déjà en sachant pertinemment qu'ils ne vont pas me guérir?
Car je ne suis pas dupes, je sais comment ça se passe ces phases de test médicamenteux.
Au mieux ce sont des placebos, au pire ils développent des effets secondaires indésirables ou comment finir plus mal que je ne le suis déjà.
Je ne vois pas l’intérêt, pas me concernant en tout cas, il est seulement celui des firmes pharmaceutique de m'utiliser comme cobaye non rémunéré. L'exploitation de la détresse et du désespoir des plus misérables.
Aussi, je pourrais me dire que je n'ai rien à perdre mais en fait si, le temps m'est compté et c'est pour ça qu'il faut que je continue ma liste :

- Se faire tatouer.
Je choisi un motif plutôt original, quoique morbide, ma date de naissance et de mort, mon épitaphe quoi.
Il est situé dans le haut de mon dos, prés de la nuque, caché par mes cheveux.
Par contre il faudra éviter la levrette avec Thomas.
Mince! je n'y avais pas pensée, je le vois demain...Comment vais je faire pour cacher ça?!
J'ai une idée, consulte la suite de la liste ma grande!

- Faire de nouvelles expérience sexuelle : le jeux SM.
Revêtue d'une combinaison latex, je l'attends sur mon canapé.
Intrigué quoique surpris, il se prend au jeu et nous baisons sur fond de musique techno industrielle.

- Se faire dire la bonne aventure, tirer les cartes, prédire l'avenir dans le mar de café par une medium :
"Je vois un futur radieux, oh vous allez avoir une belle et longue vie." Sans déconner, genre, sérieusement ? Elle se fout de moi, c'est ça ?
J'aimerais la payer avec des faux billets si je le pouvais, elle n'y verrait rien avec ses lunettes à triples foyer. Le comble pour une voyante!

- Diner dans un restaurant 5 étoiles.
Je donne rendez-vous à mes 3 meilleures copines et à Thomas (étrangement pour lui c'est moi qui invite) au restaurant gastronomique étoilés, la Cascade dans le 16eme arrondissement.
Après de rapide présentation de Thomas à mes copines, nous prenons place sur les chaises aux dossiers de velours dans ce décors historique, sous les dorures et moulures des hauts plafonds, à la lueurs des lustres de cristal et des chandeliers qui partout se reflète dans les miroirs de ce pavillon somptueux du Second Empire.
Le serveur vient prendre notre commande, accompagné du sommelier qui débouche une bouteille de champagne avant d'en remplir les flutes de cristal et de l'a déposé dans le sceau en argent.
Et je lève mon verre pour porter un toast et rien ne vient, je voulais leur révéler ma maladie, la vrai raison de leur présence ici avec moi mais je suis incapable de le faire en regardant leur mines réjouies s'attendant certainement à une bonne nouvelle.
"Clémence??? Tu voulais nous annoncer quelque chose? Pourquoi nous as tu réunis ce soir?"
A cet instant précis je me dis en mon fort intérieur que j'aurais certainement dû choisir un autre restaurant, la tour d'argent ou le Jules Verne par exemple au moins j'aurais pu me jeter du haut du 2eme étage de la tour Eiffel
Manon donne un coup de coude à Charlotte qui vient de prendre la parole en ajoutant "Oui, je pense que c'est pour nous présenter Thomas..."
Déstabilisée, je ne trouves qu'a bafouiller "Aussi, oui, oui, enfin non, non mais voila...j'ai...j'ai..."
"Tu as ????" ajoute Charlotte en avançant le menton, le coup tendu en avant.
Inspirant profondément je réponds "J'ai...gagné au loto."
"Je suis tellement contente pour toi!!!" s’esclaffent Manon et Zoé!
Charlotte visiblement peu convaincu par mon annonce fait mine d'être heureuse pour moi et se mue (je la connais si bien) dans un silence suspicieux.
Avant de quitter le restaurant, nous sortons fumer sur la terrasse.
Je demande une cigarette à Manon, qui bien qu'hésitante me la donne quand même. Ma santé et le cadet de mes soucis maintenant que mes jours sont comptés.
Incrédule Charlotte m'interroge "c'est quoi ce tatouage que tu veux pas nous montrer? Et depuis quand tu t'es mise à fumer? Qu'est ce qui t'arrive Clémence? Tu nous caches quelques chose?!
"Tu ne peux pas te contenter d'être heureuse pour moi ? Il faut toujours que tu sois jalouse, c'est dingue ça quand même!" je rétorque une dernière fois avant de lui dire au revoir froidement en réfrénant mon envie de pleurer.

- Jeter une bouteille à la mer.
Ivre et mélancolique je me pose sur les quais avec une bouteille de champagne à la main.
Je bois au goulot et m'en renverse la moitié dessus.
Thomas m’enlace, me couvre les épaules avec son manteau.
Sur un petit bout de papier qui trainait dans mon sac à main j'écris "à l'aide" en fredonnant les paroles d'une chanson de Balavoine (j'aurais pu penser à la chanson de Police mais ne connaissais pas les paroles) puis introduit le message de détresse dans la bouteille de verre que je referme et jette dans la Seine.
Maintenant je suis trop ivre pour bouger un petit doigt, pour éviter que ma tête ne tourne je ferme les yeux jusqu'à m'assoupir dans ses bras.

- Dormir sur une plage.
Avec Paris plage ça marche quand même non ?

- Un baiser romantique sous la pluie.
Une goute me tombe sur le front, une deuxième dans le coup, une autre sur le poignet comme des baisers déposés par les dieux.
Thomas me soulève à bout de bras, me porte pour me mettre à l’abri et de mes mains je penche son visage sur le mien et l'embrasse les yeux mis clos, tout deux transportés dans une scène de cinéma dont nous sommes les héros.
Je le sais ce sera nos adieux, je n'ai pas la force de lui dire alors je lui fait comprendre corporellement.

- Tomber amoureuse

- Aller à las Vegas

- Se marier

Je commence à m'attacher à lui et lui aussi, nous n'avons pas d'avenir ensemble. Il faut que je prenne de la distance au sens propre comme figuré.

- Voyager dans un pays étranger : destination le Pérou!
Pourquoi ? Pourquoi pas tiens!
A peine arrivé à Lima que je suis déjà malade.
Je ne serais dire si c'est encore un symptômes de la maladie ou la tourista mais je suis cloué au lit.
Incapable de quoique ce soit, je suis dans un état végétatif, de somnolence quasi permanent.
Pour moi le séjour se résumera aux allez retour entre le lit et les toilettes dans la chambre d’hôtel.

- Escalader une montagne : Mucha Picchu
Retour aux pays, ça évitera à ce qu'on fasse rapatrier ma dépouille car je le sais la fin approche...
En cherchant rapidement de l'inspiration sur internet, j'ai tapé bucket list, to do list et things to do before dying.
C'est dingue le nombre de résultats que j'ai obtenue, bon c'est sur des gens qui meurent y en tout les jours et c'est pas ça qui manque mais quand même.
Adopter un chien à la SPA (et qui va s'en occuper après?!), manger un truc que tu n'aimes pas (ben voyons, et pourquoi pas une tarte au caca non?),
donner ton sang (si je suis mourante/atteinte d'une maladie incurable c'est pas très malin), se faire enfermer dans un caisson d'isolation sensorielle (pourquoi le cercueil avant l'heure fatidique!).

- Se faire un lavement : (en prévision du décès, c'est jamais trop classe de se chier dessus en mourant)

Pour ne pas reproduire l'épisode de la tourista au Pérou!
Je me sens libre, soulager d'un poids, parce que je sais que je vais partir, quand et comment. Ne laissons pas durer le suspense plus longtemps...je vais me pendre.

- Jouer tout son argent en Bourse et tout perdre.

Je lègue mes dettes à mon banquier.

- S'excuser pour ses erreurs et dire aux êtres chers qu'on les aimes.
J'appelle ma mère, étant à moitié sourde je suis certaine qu'elle ne répondra pas au premier appel.
Ensuite c'est au tour de mes amies je profite pour les appeler pendant qu'elle travaille afin de tomber directement sur leurs répondeurs.
Puis, celui que je redoute le plus, le numéros de Thomas.
La voix tremblotante et l'esprit embrumé j'enregistre mon message d'adieu sur son répondeur.
Non sans peine je lui fait par de mes sentiments, de mes rêves avortés, toutes ces choses que j'aurais aimé partager avec lui qui seront à jamais des regrets. Nous nous sommes connus trop tard, je suis partie trop tôt.
Et il reste encore une personne que j'aimerai prévenir : mon patron, que je j'invite copieusement à aller se faire enculer par un régiment de lépreux sidaïque.

- Se déconnecter des réseaux sociaux et de son téléphone pendant 24h.
Tout arrêter pour apprécier les petites choses de la vie.
La tête toujours baisser vers cet écran je relève enfin les yeux vers le ciel.

- Regarder les étoiles.
En général, sous le ciel parisien on a pas souvent la chance de le faire à cause de l'éclairage urbain et de la pollution.
Je me surprend à prier, cela ne me ressemble pas et peut être que c'est la certitude de ma mort prochaine qui motive cet élan spirituel.
On sait pourquoi les églises sont remplies de personnes âgées.

- Regarder le levé du jour.
Éblouie par le crépuscule, émerveillé par la vue que m'offre les toits parisiens sur cette ville qui s'éveille.
Je ne peux m’empêcher de rallumer mon téléphone, une dernière fois.
D'abord pour prendre une photo. Pourquoi? Je ne sais pas. Après tout je ne pourrais pas la re-regarder plus tard. Voila un bien étrange réflexe qui me reste de mon ancienne vie.
L'écran affiche 4 messages en attente sur mon répondeur que je n'écouterais pas tout de suite, je dois d'abord me préparer.

- Rester éveillé 24h.
Malgré cette nuit blanche sans dormir je me sens en pleine forme.
J'en oublierais presque ma maladie et la semaine dernière.
Surement est-ce l'état de grâce précédent la mort qu'évoquait le médecin, cela veut dire aussi qu'il ne me reste que peu de temps pour...

- Choisir ma mort.
En tirant la corde pour tester sa résistance je me rappelle que c'est justement les poutres apparentes qui m'avait séduite en premier lieu lors de la visite de l'appartement.
Les pieds sur le dossier de  la chaise, j'enfile la corde autours de mon cou, active la fonction bluetooth de mon téléphone, compose le numéros du répondeur et met le son a fond.
Pour ne pas regretter et m’empêcher de mettre un terme à ce que je m’apprête de faire, je balance le téléphone sur le canapé, de façon à ce qu'il me soit hors de porté.
Allez, courage.
Je dois me rappeler que j'ai cette chance d'avoir le choix que d'autres n'ont pas.
La voix pré-enregistré de la messagerie retentit.
D'abord c'est ma mère que j'entends, sa voix aimante chargé d’inquiétude à croire que l'alarme de son instinct maternel s'était déclenché, qui me demande de la rappeler au plus vite.
En deuxième ce sont mes meilleures amies, Charlotte, Manon et Zoé qui toutes les trois me proposent de passer me voir et de se faire une soirée pyjama, prétexte habile pour s'assurer que je ne fasse pas une bêtise.
Le message de Thomas est un véritable crève cœur, il me fait une déclaration d'amour larmoyante ou je ne peux m’empêcher de pleurer avec lui.
Cela me donne la force nécessaire pour passer à l'acte alors que le quatrième et dernier message commence...
"Bonjour mademoiselle Padilla,"
je m'attend a ce qu'il s'agisse de mon patron, histoire de me conforter un peu plus dans mon choix mais à ma plus grande surprise je ne reconnais pas sa voix et cela viens se confirmer par ce que j'entends là :
"C'est le docteur Youness, je vous appelle pour vous annoncer une nouvelle qui devrait je pense vous réjouir.
Évidemment j'aurais préféré vous donner rendez-vous mais comme il est important que vous le sachiez au plus vite, je ne fais durer le suspens plus longtemps.
Il semblerait que vos résultats d'analyse aient été malencontreusement échangé avec celui d'une autre patiente en d'autres termes vous êtes en parfaite santé.
Dans notre jargon on appelle ça la Clémence médicale." dit il avec un sourire perceptible même à travers le téléphone avant de reprendre "Je vous laisse contacter mon cabinet pour effectuer une nouveau examen afin de confirmer tout cela. Bonne journée mademoiselle Padilla."
Abasourdie, autant par ce rebondissement que par l’afflux sanguin dans ma tête augmentant sous la pression qu'exerce la corde serré sur mon cou.
J'essaie alors de me décrocher tant bien que mal, tâtonnant dans le vide du bout des pieds, cherchant désespérément le dossier de la chaise.
En baissant le regard je vois qu'elle est tombé par terre et comprends que je ne peux rien faire, ni atteindre mon téléphone pour décrocher ni quoique ce soit pour m'accrocher.
Cette fois, je suis prise à mon propre piège.

samedi 1 avril 2017

Cruauté Ordinaire

Cruauté Ordinaire

 

Avec patience, il guette sa proie, attend que celle-ci s'isole d'elle même, échappe un instant à la vigilance de ses parents pour l'enlever.
Soudain un coup de feu retentit derrière la mère de famille, résonant entre les arbres de la foret.
Et puis un cri, des gémissements apeurés qui lui viennent comme un murmure porté par le vent.
Des supplications.
La détresse affole la mère qui mené par un sentiment viscéral perd momentanément toute lucidité devant la scène de torture qui se déroule sous ses yeux.
L'homme d'une entaille experte au niveau du front, par de violents à-coups retire la peau pour s'en faire un manteau de celui qui n'est guère plus âgé qu'un nourrisson. Dépecé vivant. Écorché vif.
A la vue de son enfant blessè, elle en oublie la présence de la palombière et accoure enragé telle une louve allant à la rescousse de son louveteau.
Nous le savons, l'instinct maternel n'est pas propre à l'humain, c'est une chose commune à toutes les espèces.
Hélas, il est trop tard quand le piège se referme sur elle, des dents métalliques sortent du sol, enserrent ses membres, transperçant sa peau jusqu'à en meurtrir sa chair.

En sifflotant tranquillement, il ramène sur son dos les trois corps. L'enfant et la mère enceinte.
Une véritable aubaine pour le tortionnaire, cela lui évitera de la farcir pour Thanksgiving.
Derrière lui il laisse une trainée de sang, remplissant sur son passage le sillons fait de traces de griffes par ses précédentes victimes, l'horrible balisage menant à son antre.
Une jolie maisonnette de campagne, au charme rustique, de laquelle s'échappe par la hotte de la cheminé un petit nuage de fumé.
Il enlève ses bottes avant de rentrer, dépose son gibier sur la table de la cuisine ou sa femme est occupée à nettoyer distraitement les légumes et l'embrasse tendrement sur le front avant de passer dans le salon.
Toute dévouée à sa tache elle ne se pose pas de question quand son tablier est maculé de sang.
La cuisine c'est pour elle un moment de relaxation quand de ses mains si fine et délicate elle coupe, découpe, éventre, évide, éviscère, égorge, étripe gracieusement les carcasses qui étaient autrefois des êtres vivant sensibles, de chair et d'esprit.
Ça pourrait très bien être des gens que vous connaissez, parents, enfants, cousins, amis, voisins ça pourrait être un des vôtres.

Elle hésitait entre deux recettes pour le repas de ce soir.
La première, façon Armoricaine incluant une cuisson par ébouillantement ou la seconde et c'est le plat préféré de son mari : la blanquette.
Pour se faire elle commence par éplucher, peler les carottes, les échalotes, hacher un oignon et les blancs de poireaux.
Ensuite elle coupe la viande en morceaux et là met dans une casserole rempli de lait maternel et la fait cuire à feu doux. Comme si elle lui donné le bain.
La cuisson au lait a pour vertu de rendre la chair du nourrisson plus onctueuse, moelleuse.
Au simple crépitement de la flamme de la gazinière, experte, elle reconnait lorsque ébullition commence.
Ensuite elle ajoute les légumes et les aromates puis laisse mijoter une heure et demie.
Afin de s'assurer de la juste cuisson de la chair, elle l'a pince entre ses doigts pour s'assurer qu'elle se désagrège aisément.
Découper un bébé en morceau et le faire cuire dans le lait de sa mère, c'est cruel et sadique pensez-vous. Cependant, Goutez-le, voyez comme c'est succulent. Un délice n'est-il-pas!
Bien sur, ce n'est pas une recette "cacher" mais dans le meurtre on est loin des considérations religieuse voyez-vous.
Elle débarrasse son plan de travail, véritable charnier et donne la carcasse sanguinolente à son chien.
La minuterie du four sonne, la ménagère passe la tête dans l'encadrement de la porte et se délecte d'un "Le diner est prêt mon chéri."
Attablé, serviette autour du coup, couverts en main il attend que le plat soit servi dans cette salle à manger à la décoration pittoresque.
Sa tapisserie aux motifs jaunis et craquelés par le temps éclairé par la lueur de la cheminé sous le regard figé par l'horreur des têtes de ses victimes empaillés accroché aux murs. Ses trophées de chasse.
Le grincement strident de ses couverts sur la faïence joue une étrange mélodie qui ne serait pas sans rappeler le thème musical d'un film d'horreur.
Il mâche généreusement, bouche ouverte, un sourire satisfait sur le visage, échangeant un regard malicieux avec son épouse.
Glouton, il pique avec sa fourchette un nouveau morceau sans avoir fini d'avaler la précédente bouchée.
Puis il tape du poing sur la table, comme cela lui arrive souvent de faire quand il trouve cela vraiment bon.
C'est pour cela que dans un premier temps sa femme ne s’inquiète pas.
Il essaie de tousser une première fois, tente d'inspirer de l'air et réalise qu'il commence à s'étouffer.
Malgré ça, elle ne réagit pas mais lève la tête dans sa direction en lui demandant si le plat n'est pas trop chaud.
Face à son incapacité à répondre elle ne comprends toujours pas qu'il est en train de suffoquer et c'est seulement lorsque celui-ci recule sur sa chaise en dénouant la serviette autours de son cou qu'elle réalise enfin ce qui est en train de se passer.
Ne suffisant pas à retrouver sa respiration il défait les boutons de sa chemise avec difficulté afin de se soulager.
Au bout de quelques secondes interminables il parvient enfin à retirer quelque chose de sa gorge, en triturant l’intérieur de sa bouche avec ses doigts, essayant certainement de se faire vomir pour expulser ce qui obstrue sa trachée.
Il en sors à sa plus grande stupeur non pas des fragments d'os ou de cartilages mais des arrêtes.
Des arrêtes de poisson, qu'il retire par dizaines et dizaines sans toutefois parvenir à extirper la totalité de ce qui se trouve coincé dans sa gorge, ni a retrouver son souffle.
Interloqué, bientôt asphyxié, le regard embué de larmes, les muscles maxillaire crispés, le teint écarlate, il dévisage sa femme qui ne trouve rien d'autre à faire que de se justifier en disant qu'elle n'a fait que suivre la recette.
La tête de l'homme bascule vers l'avant et vient heurter la table, mourant ainsi couteau et fourchette à la main sous le regard brillant de ses trophées de chasse.

A vous qui lisez ceci.
Plus la peine de détourner le regard, tourner la page ou arrêter de lire. L'idée a germé, les images se sont installées dans vos pensées.
Et maintenant que vous savez vous ne pouvez plus ignorer de quoi vous vous rendez souvent complices, parfois coupables.
Il n'est cependant pas trop tard pour vous, l'horreur est humaine.